Le bureau T du Service de Paris

      Jusqu'au milieu de l'année 1788, la levée et la distribution des lettres de Paris pour Paris sont dévolues aux services de la Petite Poste, la Grande Poste se chargeant pour sa part des lettres de et pour l'extérieur. A l'été de 1788, plusieurs indices laissent supposer un déplacement du bureau central de la Petite Poste (lettre indicative A), situé alors dans un hôtel de la rue des Déchargeurs, vers la Grande Poste de la rue Plâtrière. En effet, à la date du 1er juillet, les administrateurs de la Petite Poste donnent congé pour leur bail au trésorier général des dépenses diverses [1]. Le mois suivant, la comptabilité de la Petite Poste est fondue dans celle de la Grande Poste, les facteurs des deux organismes sont réunis, et il n'est plus fait de distinction entre la distribution des lettres venues de province et de l'étranger, et celle des lettres provenant des boîtes de Paris [2]. Le catalogue des marques postales de Paris, publié par MM. Rochette et Pothion en 1958, mentionne une marque circulaire incluant les lettres PD (n° 2405 R&P) frappée dès 1788, selon eux, sur les correspondances en port dû pour Paris déposées à la Grande Poste, où s'est ouvert, d'après M. Lenain, un guichet pour recevoir les lettres pour la ville [3]. On sait que le timbrage des lettres en port dû par la marque PD est une pratique usuelle de la Petite Poste, la Grande Poste timbrant pour sa part les lettres en port payé des initiales PP.


Paris pour Paris, 17 floréal an 3

      Vers 1794, alors qu'un service des abonnements, où l'on peut aussi affranchir les lettres pour Paris, existe depuis quelques années à l'Hôtel-des-Postes, apparaît une marque linéaire de distribution portant les initiales AB (n° 1136 R&P), frappée en levée au dos de lettres locales en port dû, comme cela se pratique à la même époque dans les bureaux de quartier de la Petite Poste. Une marque analogue, portant la lettre indicative T (n° 1135 R&P) se trouve dès mars 1795 (Delwaulle) frappée au dos de lettres en provenance des provinces, attribuée au Service de Paris de l'Hôtel-des-Postes par MM. Rochette et Pothion. La signification de la lettre T n'est pas connue avec certitude. Le chroniqueur Lucien Raulet (Le Vieux Papier, novembre 1902) a émis l'opinion qu'elle pourrait être l'initiale du mot "Tri". Cette opinion est partagée par M. Delwaulle, et l'on peut alors estimer que le Bureau du Try fonctionnant à la Maison-des Postes en 1795, après l'abandon du système de la Petite Poste, peut être le descendant direct du bureau central de la rue des Déchargeurs [4], désormais doté de fonctions multiples. Un timbre T/PP (n° 2729 R&P) lui est attribué à cette date, frappé sur les lettres en port payé pour Paris.

  
Catalogue Rochette & Pothion et Almanach national de France pour l'An cinquième, Testu.


      Le service des postes pour Paris

      Selon l'Almanach national de France pour l'année 1793, le service des postes pour Paris consiste dans la distribution dans la ville et ses environs des lettres venant des départements et de l'étranger, de celles, chargées ou non, de Paris pour Paris, et des ouvrages périodiques. Pour ce faire, outre les bureaux de distribution dispersés dans les quartiers de la ville, il existe à la Maison-des-Postes quatre bureaux, pour la poste restante, pour les lettres chargées, pour les abonnements et journaux, et pour le service de la banlieue. Dans le courant de l'année 1795, les bureaux de quartiers de la grande poste, d'où partent les facteurs pour la distribution des lettres, sont numérotés de A à J, comme l'étaient jusqu'alors les bureaux de la Petite Poste. L'almanach pour 1796 énumère, pour le Service des postes de la Seine, un bureau pour la distribution générale, chargé de la comptabilité, un bureau de tri pour les lettres de la ville pour la ville, un bureau pour la poste restante et un dernier bureau pour les affranchissements des lettres et journaux pour Paris et la banlieue. L'année suivante, un bureau pour les chargements pour Paris refait son apparition, alors qu'il ne figurait pas dans l'almanach de l'année précédente. A partir de juin 1798, il devient possible d'affranchir pour les départements dans tous les bureaux de quartiers, et plus uniquement au bureau central. La Division de Paris, de sa nouvelle appellation, comprend désormais un bureau pour la distribution de la poste restante et des lettres chargées, et un autre pour le service de la grande banlieue. Au début du dix-neuvième siècle, il n'est plus fait état, en ce qui concerne la distribution à l'Hôtel-des-Postes, que du seul bureau de la poste restante et des chargements.

      Les marques du bureau T


Catalogue des marques postales
et oblitérations de Paris
, Rochette & Pothion.

      Nous avons vu que les premières marques portant la lettre indicative T était apparues dès mars 1795, en arrivée sur des lettres de province ou sur des ports payés de Paris pour Paris. Le catalogue fait ensuite état d'une marque circulaire d'environ dix millimètres de diamètre, portant l'initiale T (n° 1019 R&P), utilisée à l'Hôtel-des-Postes pour le Service de Paris. Elle serait apparue en 1797, lors de la nouvelle organisation de la Division de Paris détaillée dans l'Almanach national. Elle est similaire à celles utilisées jusqu'au début de 1795 par les bureaux de la Petite Poste, et après cette date par ceux de la Grande Poste. Une autre marque, linéaire celle-ci (n° 1740 R&P), et qui intègre désormais la notion de "bureau" apparaît à la même époque, frappée sur des lettres en port dû de Paris pour Paris, ou en port payé des départements et de l'étranger.


Paris pour Paris, 22 messidor an XII, timbrée par le bureau T.
Taxe annulée pour la franchise, distribution par le bureau A.


Catalogue Rochette & Pothion

      Au début du XIXème siècle, on trouve deux marques supplémentaires, datées de 1801 (n° 1143 R&P) et 1804 (n° 1146 R&P) et encadrées d'un octogone. Elles se trouvent au dos de lettres pour Paris déposées au guichet du bureau T, ou encore très fréquemment, en arrivée de lettres en port payé des départements ou de l'étranger. Dans ce contexte, on peut supposer que le bureau T était chargé du contrôle des affranchissement des lettres venant de l'extérieur.


Hambourg pour Paris, 4 juillet 1810


Catalogue Rochette & Pothion

      On connaît encore, plus tardifs, des timbres portant l'heure de levée, apposés sur les lettres en port dû pour Paris jetées dans la boîte de l'Hôtel-des-Postes dans les années 1824 (n° 1153 R&P) et 1828 (n°1157 R&P). Les marques du bureau T se rencontrent jusqu'à la fin de la décennie 1820.


Paris pour Paris, 21 mars 1826

      Les corps constitués

      Il existe un service de petite poste auprès de la Convention nationale en 1793, composé de deux bureaux situés dans le couloir d'accès à la Salle du Manège des Tuileries, côté Feuillants [5]. Le bureau du renvoi des lettres pour Paris occupe deux commis, les citoyens Charon le Jeune et l'Aîné, et celui pour le remboursement des lettres individuelles, paquets chargés a comme commis le citoyen Guyot. Un arrêté du Directoire exécutif en date du 12 brumaire an IV porte création d'un bureau de poste près de lui [...] pour faire le service dans l'intérieur de Paris [6]. Plus détaillée, une liste des représentants du Peuple datée de l'An VI nous donne la composition des bureaux de poste près les Conseils des Anciens et des Cinq-Cents [7]. Pour chacune des assemblées, il existe un bureau des chargements et envois d'argent, et un bureau des affranchissements et de la distribution. Ils occupent en tout six employés, dont un contôleur, un directeur, Guyot, et les Charon que nous avons vus à la Convention. Les commis aux affranchissements sont chargé[s] du timbre et griffe du Conseil. Une requête des employés de la poste près le Directoire, datée de brumaire an VII, porte sur leur assimilation à ceux des deux Conseils, lesquels reçoivent des gratifications. Il est possible que ces derniers soient alors des agents de la Grande Poste, les employés près le Directoire en étant restés aux conditions de la Petite Poste.


Actes du Directoire exécutif

      Uu arrêté administratif daté du 4 ventôse an IX (A.N. F9020030) décide du transfert de la boîte G29, alors sise au coin des rues de Vaugirard et des Fossoyeurs, jusque dans l'enceinte du Sénat conservateur. A cette date, le Sénat ne dispose pas encore d'un bureau de poste, lequel sera établi par une délibération du 24 fructidor an XI (A.N. F9020034). Dans une énumération des sections de la Division de Paris datant de 1804 [8], outre les services habituels des rebuts, des déboursés, des abonnements ou de la poste restante, figurent les bureaux dits "supplémentaires" près le Gouvernement, près le Sénat conservateur, près le Corps législatif ou près le Tribunat. Ces différents bureaux, qui sont ordinairement dénommés "bureaux spéciaux" par les marcophiles, pourraient n'être, en fait, que des sections de la Division de Paris. On remarque par ailleurs que les almanachs de l'époque n'évoquent pas l'existence de bureaux de poste fonctionnant à l'intérieur des locaux de ces grandes institutions de l'Etat.

      Une particularité notable des marquages du bureau T réside dans le fait qu'on les trouve très fréquemment apposés au dos de correspondances concernant les Corps constitués ou les administrations, circulant dans Paris aussi bien en port payé qu'en port dû, en franchise, sous chargement, et même en déboursé. On connaît ainsi des lettres chargées, timbrées au recto d'un griffe du Sénat, par exemple, et au verso par le bureau T, dont on peut supposer qu'elles ont été remises directement au bureau des chargements de l'Hôtel-des-Postes pour affranchissement, enregistrement et mise en distribution. Il est logique de penser que le bureau T était alors chargé du traitement particulier des correspondances des Corps constitués et des services administratifs.


Sénat conservateur, 11 août 1807, chargement (coll. Veglio).

      Nous pouvons tenter d'extrapoler un mode de fonctionnement pour les Corps constitués qui ne possédaient pas de bureau de poste à demeure, mais un bureau des secrétaires-rédacteurs, auxquels étaient adjoints des expéditionnaires. On peut supposer que ces derniers, porteurs des plis à envoyer triés par catégories (ports dus, ports payés, chargements), se rendaient dans le bureau près leur Institution situé à la Maison-des-Postes. Ce bureau apposait au recto la griffe de l'Institution en question, la marque de service correspondante, par exemple celle des ports payés de la Seine (60/PP), et au dos la marque officielle de type Marianne. On remarque que ces marques sont généralement frappées de la même encre. Les plis destinés à Paris étaient ensuite transmis au bureau du tri, qui timbrait au dos du quantième du jour et de la marque T, avant de mettre en distribution.


Conseil des Cinq-Cents, 31 juin 1799, port payé (coll. macdo).

      En 1816, des bureaux sont ouverts dans Paris, près la Cour place du Carrousel, près la Chambre des Députés au Palais-Bourbon et près la Chambre des Pairs rue de Vaugirard.

Merci pour leur documentation à B. Chabrolin, G. Chouteau et L. Veglio, qui n'est cité en dernier qu'à cause de l'alphabet.

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Notes
[1] Les petites postes, Eugène Vaillé, Bulletin d'information des P.T.T. [up]
[2] Almanach royal pour 1789, Laurent d'Houry. [up]
[3] Voir J.-C. Delwaulle, Feuilles marcophiles spécial Philexfrance. [up]
[4] A. Maury (Catalogue descriptif de toutes les marques postales de la France), dans une liste des lettres indicatives des bureaux de la Petite Poste, affecte la lettre A à son bureau central, et affirme que la lettre T lui fut attribuée plus tard. Il faut probablement comprendre qu'il s'agira du bureau central de la Grande Poste. [up]
[5] Almanach national pour 1793, Testu. [up]
[6] Recueil des actes du Directoire exécutif, A. Debidour, Paris, I.N., 1910, tome premier. [up]
[7] Liste des representans du Peuple, membres des deux Conseils, au premier prairail an VI, Paris, I.N., vendémiaire an VII. [up]
[8] Consistance du bureau de la Division de Paris pendant le mois de fructidor an XIII, chr. 1797/1814, Musée de la Poste, in La vie à l'Hôtel des Postes de Paris de 1801 à 1830, Ch. Tretsch, Les Cahiers pour l'Histoire de la Poste, n° 4, mai 2005. [up]


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