Les pléthoriques timbres à date au type 1875
de la recette des postes de Clermont-Ferrand,
et leur utilisation prolongée

          Au mois de mai 1875, une notification parue dans le bulletin des postes n° 74 informe les agents que les timbres à date en usage depuis 1868, portant le numéro du département dans le bas de la couronne (bien connus des collectionneurs comme types 17), seront remplacés par un nouveau modèle portant à la place le nom du département. Il est précisé que dans les bureaux existant, cette mutation se fera progressivement, au fur et à mesure de l'usure du matériel en service.

          Il semble qu'il ait fallu attendre la fin de l'année 1875 (la première date vue serait le 28 octobre, selon le Collectionneur philatélique et marcophile) pour voir apparaître ce nouveau dateur dans les locaux de la recette de la place Gaillard, à Clermont-Ferrand. Défini comme type 18 par E. Barthélémy dans sa Classification des oblitérations manuelles, il présente deux cercles concentriques continus mesurant respectivement environ 23 mm et 14 mm de diamètre, ménageant une couronne dans laquelle sont inscrits en lettres majuscules avec empattements le nom du bureau et celui du département, soit vingt-six caractères, tirets compris, avec deux espaces réduits entre les deux noms (1). On remarque deux signes distinctifs dans la gravure de l'intitulé du département PUY DE-DÔME, l'absence d'un tiret à gauche et la taille plus petite de la préposition DE. Le Dr. Lejeune, dans son étude sur les marques postales du Puy-de-Dôme, relève deux variantes de ce type, avec ou sans tiret entre CLERMONT et FERRAND. La dernière date que nous ayons vue est celle du 29 novembre 1877.

          Alors que les timbres à date au type 17 sont encore très largement employés à Clermont-Ferrand (dernière date vue le 9 septembre 1879), on note l'apparition, dans les premiers mois de 1876 (première date vue le 3 juin), d'un deuxième timbre au type 1875 dont la gravure se distingue par la taille de la préposition DE, désormais identique à celle du reste du texte (2). Cette gravure aurait été utilisée jusqu'en novembre 1878 (Lavarak, La Philatélie française). Un troisième modèle fait son apparition en 1877 (première date vue le 3 janvier, Lavarak), sur lequel l'espacement entre les termes supérieur et inférieur a été légèrement accru, grâce à l'emploi une très petite préposition DE, celle-ci entourée de ses deux tirets (3). Le tiret de droite s'amenuisera peu à peu, puis disparaîtra au début de 1879. Sur ce modèle, la séparation entre les noms est bien nette, et la lisibilité améliorée. Il est connu jusqu'en novembre 1879 (Lavarack). Sur le même principe de l'espacement élargi, une nouvelle gravure apparaît en 1879 (première date vue 20 avril, Lavarack), dans laquelle la préposition DE en lettres majuscules est remplacée par une variante de en minuscules (4). La dernière date vue est celle du 30 octobre 1880.

          A la fin de 1879, le bureau de la place Gaillard devait, en théorie, avoir rendu ses derniers timbres à numéro de département, et être donc équipé d'au moins quatre dateurs du type 1875, ce qui pouvait suffire à une recette composée de troisième classe d'importance moyenne. L'année suivante, celle-ci se dote simultanément de trois nouveaux timbres à date, peut-être en remplacement de trois dateurs antérieurs déjà usés. Sur le premier d'entre-eux (première date vue le 8 janvier 1880), lequel présente la variante préposition de en minuscules et dont le lettrage occupe désormais toute la circonférence de la couronne, les espaces sont occupés par des petites étoiles à cinq branches, plus ou moins bien venues selon la frappe (5). Cette innovation originale porte à vingt-neuf le nombre total de lettres et signes dans la circonférence, ce qui ne représente pas une réelle amélioration pour la lisibilité. La dernière date vue pour ce modèle est celle du 14 janvier 1883. Sur la gravure suivante (vue le 23 juin 1880), la préposition DE en capitales est de taille normale, et les espaces entre les termes supérieur et inférieur sont occupés par des astérisques à sept branches à gauche et cinq à droite (6). Lavarack signale une dernière date en janvier 1884. Le modèle suivant (vu le 24 juillet 1880) présente la variante préposition de en lettres minuscules, et deux astérisques à huit branches dans les intervalles (7). Une variante de ce modèle, dont la cuvette est élargie, se rencontre très tardivement, jusqu'à la fin de la période (vu le 3 août 1895).

Astérisques et traçabilité ?

     Dans un article paru sur sa page internet (aremorica.free.fr/divers/tracabilite/index.php), Michel Hervé émet l'hypothèse que ces astérisques et étoiles de Clermont-Ferrand auraient été introduits sur les timbres à date pour en identifier les opérateurs, à la suite de plusieurs interventions des responsables des postes concernant de trop nombreux timbrages défectueux. Chaque agent timbreur ayant utilisé un dateur identifiable, il aurait été facile de le mettre en face de ses responsabilités, après examen des correspondances par les contrôleurs et les directeurs.

     Pour notre part, nous ne le pensons pas, principalement parce que l'astérisque est probablement le pire signe à utiliser pour différencier précisément et rapidement une marque postale d'une autre, à cette échelle, et à plus forte raison si elles sont mal frappées. Tenter d'en compter les branches pour savoir s'il y en à sept ou huit, sur des empreintes trop pâles, incomplètes, empâtées, ou encore sur un fond imprimé de carte postale tiendrait de la gageure. Si l'on voulait appliquer un tel système, l'utilisation de formes géométriques simples et denses, carré, cercle, triangle par exemple, serait probablement plus pertinente. Nous pensons qu'il s'agit plutôt de simples ornements, destinés à séparer le nom du bureau de celui du département lorsque les intervales entre les deux sont trop réduits. La présence d'étoiles ou d'astériques dans les dateurs de Montaigut-en-Combraille, des Martres-de-Veyre ou de Brassac-les-Mines, Puy-de-Dôme, dans les années 1885/1900, dont les noms, abrégés ou pas, comptent une trentaine de signes, en sont de bons exemples : ces bureaux n'étant que recettes simples de troisième classe, elles n'emploient qu'un seul agent, lequel n'a pas besoin d'un signe distinctif pour être identifié.

      

     De même, nous n'avons pas suivi Michel Hervé dans son utilisation des termes type 19 et type 20. Le timbre à date défini par la notification de mai 1875 est suffisamment caractéristique (deux cercles continus, nom du département en lettres avec empattements) pour ne former qu'un seul type. Plutôt que de le revêtir des termes de type 17bis ou ter, type 18, type 19 ou type 20, il nous paraît plus simple de le nommer type 1875.

          A la fin de 1880, les trois dateurs introduits cette année-là ont probablement remplacé les trois exemplaires initiaux usés. Cela peut se concevoir, si l'on considère le texte de la note insérée dans le bulletin des postes n° 96 de mars 1877 qui fixe à quatre ans leur durée de vie. Il pourrait donc toujours y avoir autour de quatre timbres à date au type 1875 en dotation simultanée à la recette principale de Clermont-Ferrand. L'année 1882 verra l'apparition d'un huitième modèle de timbre (date vue 1x janvier), caractérisé par sa cuvette élargie, sa préposition DE de taille normale et ses deux étoiles à cinq branches dans les intervalles (8). La dernière date vue est celle du 23 février 1885. Un autre modèle est utilisé dès 1883 (date vue 24 octobre), à cuvette élargie, préposition DE de taille normale, et dont les caractères resserrés laissent deux espacements plus importants entre les noms, sans ornements (9). La dernière date vue est celle du 27 juin 1896.

          A partir de la fin de l'année 1884, les principaux bureaux de chaque département français sont dotés d'un appareil mécanique sur lequel sont installés deux timbres à date, ce qui autorise l'opération du timbrage et de l'oblitération en un seul mouvement, progrès technique destiné à augmenter les cadences de traitement du courrier. Ce genre de machine utilise des timbres d'un modèle nouveau, immédiatement identifiables par leur cercle intérieur discontinu à douze tirets, et au graphisme de la couronne en lettres majuscules sans empattements, d'une lisibilité très améliorée. A l'automne de 1884, un appareil de ce type fait son entrée à la recette principale de Clermont-Ferrand (première date citée en octobre). Un des avantages du système est qu'il permet l'utilisation séparée des timbres à dates, une fois ceux-ci démontés et munis d'un manche ad hoc. C'est ainsi que la plupart des bureaux de poste français en seront dotés dès les mois suivants, en remplacement de leur matériel au type 1875, alors même que la majorité d'entre-eux ne seront jamais équipés de la machine à timbrer. Cette circonstance auraît dû faire disparaitre, à plus ou moins court terme, le matériel de 1875, ou au moins inciter l'Administration à ne pas créer de nouveaux timbres à date sur ce modèle.

          Il n'en reste pas moins qu'en 1887, après quelques années d'utilisation du type 1884, on voit apparaître place Gaillard un dateur inédit au type 1875 (première date vue 21 février 1887). Il se présente avec une couronne large, la préposition DE est de taille normale et les ornements intermédiaires sont constitués d'une étoile à cinq branches à droite et d'une sorte d'hexagone pointu à gauche (10). La dernière date, mal lisible, pourrait être celle du 6 août 1896. Enfin, en 1888 (première date vue 19 janvier, Dr. Goubin), un onzième et ultime (pensons-nous) modèle voit le jour, qui reprend l'intitulé de FERRAND en abrégé, FD, comme sur les types 1884 (11). Ce modèle peut exister avec deux largeurs de couronne. Les trois derniers de ces timbres à date au type 1875 (que nous avons numérotés 9, 10 et 11) sont assez largement utilisés entre 1885 et 1896, soit durant les douze premières années d'utilisation de la machine à timbrer de 1884. Ils semblent disparaître complètement après 1896.

          Sur le tableau ci-dessous, qui n'est pas forcément complètement représentatif, considérant le trop petit nombre de lettres examinées, on constate que les dateurs se sont rapidement succédés dans le temps, par tranches d'environ quatre à six ans, suivant en cela les termes de la note de mars 1877 citée plus haut. Les quatre premiers (numérotés 1 à 4) ont pu être remplacés entre 1880 et 1882 par les quatre suivants (numérotés 5 à 8), eux-même l'étant (à l'exception du n° 7) entre 1883 et 1885 par les trois derniers. Ceux-ci ont été utilisés sur une période plus longue et plutôt tardive, jusqu'en 1895. Leur persistance et la création de nouvelles gravures après l'introduction des nouveaux types de 1884 sont assez étonnantes. alors que leur lisibilité est nettement inférieure. Il a pu y avoir au moins quatre timbres au type 1875 en dotation simultanée à la recette de la place Gaillard de Clermont-Ferrand sur une durée de pratiquement vingt ans.

          Merci à Michel Hervé pour sa recherche initiale, qui nous a donné l'envie d'approfondir un peu le sujet. Nous avons dégagé onze modèles de timbres à date différents, en nous basant sur des critères aussi objectifs et indubitables que possible : largeur de la cuvette, graphie de la préposition DE dans le nom du département et caractéristiques des espacements. Il est certain qu'il a existé d'autres différences de gravure plus délicates à distinguer, sur des frappes pas toujours très nettes.

L'étude du Dr. Goubin

     Dans une étude des timbres à date type 1875 parue dans l'Echo de la Timbrologie en 1966, le docteur Goubin relève la multiplicité de ceux de la recette de Clermont-Ferrand. Il en illustre cinq, qui correspondent aux numéros 7, 8, 9 et aux deux variantes du numéro 11 de notre page, dont une avec une levée à étoile.

     L'auteur souligne les variations du diamètre des deux cercles des dateurs, et en conséquence celles de la largeur des couronnes et des cuvettes. Selon lui, à partir du second semestre de 1877, la conception de ces timbres à date fut livré[e] à l'entière fantaisie des fabricants. Il s'étonne également du fait que des gravures nouvelles au type 1875 aient été utilisées après la mise en service du type 1884, ainsi que de leur très grande longévité, jusque dans la première moitié du vingtième siècle pour un bon nombre de bureaux. On pourrait en conclure que le type 1884, conçu à l'origine pour être utilisé sur la machine à oblitérer Daguin, n'ait pas eu vocation à remplacer des timbres à date manuels alors en service.


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