Maroc 1935
Taxation d'une franchise militaire par avion

En 1912, le sultanat du Maroc est placé sous protectorat français. Jusqu'à 1935, la conquête et la pacification du pays sont confiées à Lyautey, qui s'appuie sur un Corps militaire d'occupation. Les militaires de ces troupes d'occupation du Maroc bénéficient de la franchise militaire pour leurs lettres simples par voie de surface (loi du 30 mai 1871, franchise accordée aux militaires en campagne). Mais depuis le début des années 1920, un nouveau moyen de transport postal a pénétré au Maroc, l'avion.

L'article 1 du décret n°35455, signé par le Président Doumergue le 23 mai 1929, fixe à 1 franc par 10 grammes le montant de la surtaxe spéciale appliquée aux correspondances acheminées par voie aérienne du Maroc vers la France. L'article 2 de ce même décret accorde une réduction, sur ce tarif, aux militaires du Corps d'occupation : ils paieront 80 centimes de surtaxe aérienne pour un objet (lettre ou CP) ne dépassant pas 10 grammes.

Le maréchal des logis-chef Gaston B., de l'annexe d'artillerie de Oued-Zem, a appliqué les mentions manuscrites F.M. et T.O.M. sur sa lettre, avant de la remettre au vaguemestre, lequel a apposé un timbre administratif justifiant la franchise pour la taxe ordinaire de surface. Au bureau de poste, la lettre a été pesée à 10 grammes maximum, et l'affranchissement complété (s'il ne l'avait pas été auparavent par le vaguemestre), certainement à la demande du militaire, d'un timbre-poste à 80 centimes pour la surtaxe aérienne réduite.

Malheureusement, au passage à la poste de Casablanca, ou à l'arrivée à Lézignan, la lettre a été repesée, à un poids supérieur à 10 grammes. De ce fait, elle est tombée sous le coup du deuxième paragraphe de l'article 2 , devenant passible de la surtaxe aérienne ordinaire. Cette surtaxe étant de 2 francs pour 20 grammes, moins les 80 centimes du timbre apposé au départ, il est resté 1,20 franc d'insuffisance d'affranchissement, soit au double 2,40 francs de taxe à payer par le destinataire.



Madagascar 1949
Taxation de la franchise des T.O.E.

En 1945, la France se réapproprie son empire colonial, avec un prestige largement amoindri par les années de guerre. Elle doit rapidement faire face à la montée des nationalismes armés, au Tonkin en 1946, puis à Madagascar en 1947.

Les troupes engagées dans ces opérations bénéficient de la franchise postale, selon les termes du décret du 25 février 1946, pour les lettres simples qu'ils expédient et reçoivent. A la suite de difficultés d'application, les militaires devant apposer sur leur courrier un numéro de B.P.M. qu'ils ne connaissent pas forcément, la création d'un timbre spécial de franchise est décidée en août 1946. Les lettres revêtues de ce timbre, portant la mention POSTE AUX ARMÉES T.O.E., sont admises en franchise, même en l'absence de l'indication de B.P.M.

En mars 1947, une insurrection est déclenchée à Madagascar par le Mouvement démocratique de la rénovation malgache. Pour traiter le courrier des renforts militaires français, le B.P.M. 5 s'installe à la recette principale de Tananarive. Il s'appuie, à l’été 1948, sur deux annexes, à Fianarantsoa (B.P.M. 5A) et Tananarive (B.P.M. 5B). Ces bureaux postaux militaires fermeront une fois les opérations terminées, à la fin de 1949 ou au début de 1950.

La lettre ci-dessus a été envoyée, depuis le S.P. 58800, par le B.P.M. 5, le 14 décembre 1949, à destination de Paris. Elle porte un timbre de franchise POSTE AUX ARMÉES T.O.E. avec croix de Lorraine dans la levée, et les mentions manuscrites F.M. et AVION (depuis le 10 janvier 1949, les lettres par avion jusqu'à 20 grammes ne sont pas surtaxées). A l'arrivée à Paris, la lettre a été taxée comme une lettre territoriale du premier échelon non affranchie, dans le tarif français du 6 janvier 1949, soit 30 francs.

La lettre suivante a été envoyée depuis le S.P. 99436, également par le B.P.M. 5, le lendemain 15 décembre 1949, à la même société commerciale. Elle porte un timbre de franchise POSTE AUX ARMÉES T.O.E. avec étoile dans la levée, la mention manuscrite F.M., mais pas la mention AVION. A l'arrivée à Paris, la lettre a été taxée de la même façon que la précédente, par le même bureau de PARIS/DISTRIBUTION.

La taxation de ces lettres en franchise me paraîssant surprenante, j'ai posé la question de sa justification à M. Goanvic, (Origine et utilisation des timbres-à-date «POSTE AUX ARMÉES T.O.E.», Documents Philatéliques n°195, p.13). La réponse donnée, sans être tout à fait définitive, donne une piste fort intéressante : une circulaire ministérielle des Postes du 20 décembre 1949 fait référence à un décret n°17.988 paru le 1er octobre précédent au Journal Officiel de Madagascar et Dépendances, lequel porte suppression de la règlementation propre aux T.O.E. dans ce secteur géographique. Celà nous donnerait une parfaite explication, si la circulaire n'évoquait pas la date du 1er janvier 1950 pour l'application du décret.

Nous restons donc cantonnés dans le domaine des conjectures : utilisation abusive du timbre de franchise, application prématurée de la circulaire, taxation abusive de l'employé de PARIS/DISTRIBUTION ...? Toute suggestion nouvelle sera la bienvenue.


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