Timbrage des cartes postales
Les effets pervers de l'Instruction 116

Le texte de base mis à la disposition des postiers, pour application de la loi du 20 décembre 1872 portant création de la carte postale en France, est publié dans le bulletin mensuel 46 de l'administration des Postes de janvier 1873, sous le titre d'Instruction 72. En complément des diverses dispositions concernant le nouvel objet postal figurent les directives concernant son timbrage, c'est à dire l'application des diverses marques postales de service. Le paragraphe 7 stipule que le timbre à date du bureau expéditeur doit être frappé au recto de la carte, et que le timbre-poste, collé aussi au recto, doit être annulé par le timbre oblitérant, losange ou étoile de points, du même bureau. Quand au paragraphe suivant, il précise que, par dérogation à l'article 372 de l'IG de 1868, le dos de la carte étant exclusivement réservé à l'usager, les timbres à date des bureaux de passe ou de destination doivent également être frappés au recto.

Ces dispositions parfaitement claires vont être appliquées par les divers agents concernés. On peut constater, à l'examen des cartes postales échangées au cours de l'année 1873 et au début de 1874, que celà a pu conduire, en certains cas, à une accumulation pouvant nuire, soit à la lisibilité des marques, soit à celle de l'adresse, bien qu'il ait été demandé aux agents de ne pas appliquer leurs marques sur l'adresse, afin de ne pas géner le travail du préposé à la distribution.


Dax à Lille, février 1874


Après quelques mois de pratique, consciente des problèmes causés par le nombre parfois trop important de frappes au recto des cartes postales, l'administration va apporter une modification à la procédure, diffusée auprès des postiers dans le bulletin mensuel 59 de février 1874. Le texte porte le nom d'Instruction 116. L'exposé des motifs résume clairement les préocupations des responsables.

La nouvelle instruction demande simplement aux agents des bureaux recevant les cartes postales en passe de ne plus appliquer leur timbre à date sur l'objet, à l'instar de ce qui ce pratique pour les objets à prix réduit. On voit sur la carte suivante que l'application de l'Instruction 116 a nettement clarifié la situation, par rapport à ce qu'elle était dans le même bureau du mois précédent, comme vu un peu plus haut.


Dax à Lille, mars 1874

La simplification se trouve même poussée à l'extrême lorsque le bureau distributeur se considère lui aussi concerné par la nouvelle Instruction, et se dispense d'appliquer son timbre à date à l'arrivée.


Montrouge à Amiens, mars 1874


Mais la rédaction de l'Instruction comporte une certaine ambiguïté, qui va amener les postiers de certains bureaux expéditeurs à commettre une grave erreur d'interprétation. En effet, certains agents vont comprendre qu'ils ne doivent plus annuler les timbres-poste au départ à l'aide de leur losange oblitérant, mais plutôt avec leur timbre à date, comme celà se pratique ordinairement pour l'annulation de l'affranchissement des objets à prix réduit.


Lille à Dunkerque, avril 1874

Et lorsque cette pratique s'accompagne de l'ommission de timbrage à l'arrivée, les cartes postales présentent à l'examen un dénuement quasi total ... Trop, certainement, aux yeux de l'administration, qui va tenter de corriger les effets négatifs de son Instruction 116.


Lyon à Marseille, avril 1874


Dans le bulletin mensuel 63 des Postes, paru en juin 1874, l'administration propose à ses agents de rectifier l'interprétation que certains d'entre eux ont pu faire de l'Instruction 116. Il y est clairement indiqué que l'annulation des timbres-poste doit s'opérer à l'aide du timbre oblitérant, losange ou étoile de points, ce dont personne n'aurait jamais dû douter.

Dans les jours qui suivent, la situation revient à la normale, du moins dans les bureaux où elle avait cessé de l'être, comme, nous l'avons vu un peu plus haut, à Lille. Il peut arriver que l'on trouve, sur une carte postale expédiée entre juillet 1874 et avril 1876, un timbre-poste oblitéré à l'aide du timbre à date, mais celà est alors ponctuel et purement accidentel.


Lille à Dunkerque, novembre 1874


Quelques mois plus tard paraît dans le bulletin mensuel 84 de mars 1876 la fameuse Instruction 193, qui abolit définitivement le timbre oblitérant, et remplace son usage par celui du timbre dateur. La première date d'utilisation connue est le 28 mars 1876, sur une lettre partie à la dernière levée du bureau 29 à Paris.

Sur une carte postale, la première date d'utilisation règlementaire d'un timbre dateur oblitérant a donc toutes les chances d'être le 29 mars 1876.
Sauf amélioration future, bien sûr ...


Paris à Maignelay, 29 mars 1876

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