A la fin de la Première Guerre Mondiale, l'unique possibilité pour relier postalement Paris et Téhéran reposait sur la voie de la Malle des Indes, par rail jusqu'àBrindidi, puis par les paquebots britanniques navigant vers Bombay. Le courrier pouvait ensuite être dirigé par l'Imperial Indian Mail, en direction de Zahedan, àla frontière pakistano-iranienne, ou encore par bateau vers le Golfe Persique. Les grandes difficultés rencontrées pour rallier ensuite, tout au nord du pays, la capitale persanne par la route expliquent la longueur totale du trajet, de cinq àsept semaines, selon l'estimation de l'Administration des Postes. Si celle-ci envisagea la mise en place d'une solution alternative par l'Europe de l'Est et le Caucase, cette possibilité était alors rendue impossible par les événements secouant l'ancien empire russe. Ce n'est qu'après 1922, et la création de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques, que cette liaison devint réalisable.
BM 1918-41-13 |
La voie alternative par la Russie ne put donc être mise en place qu'àla fin de 1923. On peut en voir la marque de routage apposée sur les enveloppes ci-dessous, Via Russie. Les lettres sont parties de Paris les 11 septembre et 7 novembre 1925, àdestination de Téhéran, où elles sont arrivées les 26 et 22 suivants. La première est affranchie à1,50 franc pour un deuxième échelon de poids de la lettre pour l'étranger (tarif du 16 juillet 1925), la seconde à2,20 francs pour un troisième échelon de poids (tarif du premier octobre 1925).
L'Eveil Economique de l'Indochine - juin 1925
Une note, publiée dans le Bulletin mensuel des PTT en décembre 1923, donne les modalités d'utilisation de cette nouvelle voie. L'absence de marques de transit s'explique par le fait que les lettres ont voyagé sous dépêche close directe àdestination de la Perse, via Bakou, port russe de la Mer Caspienne. La note annonce deux àtrois semaines de délai, le voyage de ces lettres a duré quinze jours, ce qui est conforme au calendrier donné par la revue L'Eveil économique de l'Indochine du 28 juin 1925. Les expéditeurs, des commerçants d'origine iranienne établis àParis, utilisaient cette voie de façon habituelle, certainement parce qu'ils la trouvaient beaucoup plus avantageuse, en terme de sécurité et de délai d'acheminement, que la voie de Suez.
BM 1923-12-31 |
Paris-116, 19 janvier 1926, pour Téhéran, via Russie. Arrivée le 3 février |
Comment s'effectuait la fin du voyage ? Si l'on en croit la relation de Luigi Villari*, " There is the usual route by rail across Russia to Baku, by steamer across the Caspian to Resht, and thence on by a road built, financed, and kept up by Russia to the Persian capital. ". On peut suivre la fin de cet itinéraire, par la mer Caspienne depuis le port de Resht jusqu'àTéhéran, sur la carte suivante. Il est probable que depuis la guerre, l'entretien de la route n'était plus assuré par les russes.
Napier-Géographical Journal - janvier 1919 |
L'Eveil Economique de l'Indochine - juin 1925 |
* Fire and sword in the Caucasus, London, T.-F. Unwin, 1906
La voie aérienne
A partir de 1919, au fur et àmesure de l'ouverture de tronçons de lignes
aériennes en Europe et ailleurs (au début, une simple liaison entre deux villes proches), l'Administration a donné au public l'opportunité
de profiter de la poste par avion, moyennant surtaxe, pour les courriers entre la France et les pays étrangers. Une succession de décrets
a ainsi fixé, durant les deux décennies de l'après-guerre, la tarification particulière pour chacun de ces services aériens.
En 1923, la compagnie géorgienne Zakavkazie (Trans-Caucase) de Tiflis ouvre
une liaison aérienne vers Bakou. Elle est absorbée en 1925 par la compagnie ukainienne UkrVozdukhPut', qui met alors en Ã
Âuvre la liaison
Moscou-Bakou-Téhéran, avec, essentiellement, des Dornier Komet de fabrication allemande.
Cette nouvelle possibilité de transport aérien est aussitôt entérinée par
l'Administration, àtravers un décret d'avril 1925, fixant à1 franc par 20 grammes la surtaxe de la lettre au départ de France
pour le parcours aérien Bakou-Enzali-Téhéran, en plus des taxes ordinaires. Il existait déjàun tarif "tout avion" entre Paris et
Constantinople (mars 1922 - surtaxe 2,25 francs par 20 grammes), il y aura un Paris-Ankara (janvier 1926 - id. 2,50 francs
par 20 grammes), puis un Paris-Téhéran (mars 1926 - id. 6 francs par 20 grammes).
Bouchir pour Constance (Allemagne) - 3 avril 1929 En 1928 (note du 11 juillet, bulletin mensuel des postes nð 14), une liaison aérienne est mise en place depuis Paris vers Berlin et Moscou, l'Ukraine, la région du Don, le Kouban, la Tchétchénie, Bakou et la Perse, la ligne étant prolongée jusqu'àBouchir. Le tarif de la surtaxe aérienne reste alors inchangé.
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Ce routage particulier n'était pas une spécificité française. Voici une lettre envoyée par un commerçant iranien établi àManchester, le 9 juillet 1926 pour Ispahan. Pas de marque de transit au dos, mais un timbre de Téhéran, daté du 25 juillet 1926. L'affranchissement à2,5 pence est celui de la lettre ordinaire dans l'Union postale.