L'article 50 de la loi du 8 avril 1910


          La loi de finances du 8 avril 1910, si elle libéralisait largement l'échelle des tarifs postaux, introduisait dans son article 50 une disposition qui pouvait s'avérer très onéreuse pour les destinataires des objets circulant à tarif réduit :

"Les envois faits par la poste dans les conditions du tarif réduit, dans lesquels sont insérées des lettres ou des notes ayant le caractère de correspondances ou pouvant en tenir lieu, ou qui portent sur eux-mêmes ou sur les objets qu'ils contiennent des mentions non-autorisées, sont considérés comme lettres, et passibles en outre d'une surtaxe fixe de deux francs."


OPR envoyé le 7 juillet 1910, de Lyon pour Lyon, tombant sous le coup de l'article 50.
La première taxe est de 20 centimes (double de l'insuffisance dans le tarif de la lettre), l'amende de 2 francs.
L'objet a été taxé, refusé par le destinataire, détaxé, retourné à l'expéditeur et retaxé.
La seconde taxe n'est plus que de 10 centimes, mais l'amende est toujours de deux francs.

          La mention de la loi devait être portée au recto, à l'encre rouge. De nombreux destinataires ont refusé de payer cette amende exagérée (vingt fois le tarif de la lettre, parfois pour un petit mot de trop sur une carte de visite), et l'objet était retourné à l'envoyeur avec une deuxième taxe, non cumulative.


Facture envoyée le 17 juin 1911, de Mamers pour Sées, tombant sous le coup de l'article 50.
La taxe est de 10 centimes (double de l'insuffisance dans le tarif de la lettre), l'amende de 2 francs.

          Sur l'objet ci-dessus, seul le timbre (T) manuscrit figure au recto, il est précédé de la mention "au dos" signalant la position du libellé de l'article. Très impopulaire, l'article 50 a été abrogé par la loi du 24 décembre 1912.


OPR local daté du 5 octobre 1910, refusé, détaxé, et retourné retaxé à l'envoyeur.


OPR envoyé le 9 juillet 1912, de Sedan pour Noyers-Pont-Maugis.
Mention de la loi à l'encre rouge. Au dos, Refusé pour la Taxe / Le Facteur.


Carte de bonne année du 1er janvier 1912. Le destinataire a accepté les vœux, et la taxe.

          Il a pu arriver que, l'objet étant retourné taxé à l'envoyeur, celui-ci refuse de payer la taxe. Dans ce cas, les termes de l'article 2 de la loi du 20 mai 1854 entraient en vigueur : "En cas de refus de paiement, l'acte de poursuite pour le recouvrement dudit port s'opèrera par voie de contrainte décernée par le directeur du bureau expéditeur, visée et déclarée exécutoire par le juge de paix du canton."


OPR local daté du 4 décembre 1911, taxé, refusé, retourné à l'envoyeur, refusé (Coll. J.C. Vincent)

Source : Gilbert Noël, Article 50 de la loi du 8 avril 1910, D.P. n° 71 p. 25.


L'article 7 de la loi du 29 mars 1920


          Dix ans plus tard, la loi du 29 mars 1920 introduisit, dans son article 7, une disposition ciblant toujours les O.P.R qui ne respectaient pas strictement les termes de leur réglementation spécifique :

"Les envois effectués dans les conditions du tarif réduit, à destination de l'intérieur, qui, au cours de leur transmission, sont reconnus porter ou contenir des notes de correspondance ou des inscriptions manuscrites non autorisées sont passibles d'une surtaxe fixe de un franc (1f)."

          Cet article ne concernait pas, initialement, les cartes postales illustrées circulant à découvert, mais un arrêté ultérieur, daté du 30 juin 1922, inclura cette catégorie d'objets parmi ceux passibles de la surtaxe fixe, lorsque, affranchis au tarif réduit, le texte manuscrit composant leur correspondance dépassait, au recto, du cadre réservé à cet effet, et lorsque, a fortiori, il s'étalait au verso :

"Dans le régime intérieur et franco-colonial, les envois effectués dans les conditions et au tarifs prévus pour les [...] cartes illustrées, reconnus contenir des mots, notes ou chiffres autres que ceux autorisés sont frappés, en sus de la taxe afférente à l'insuffisance d'affranchissement, d'une surtaxe fixe de 1 franc, représentée par un chiffre-taxe d'égale valeur."

          La carte postale illustrée ci-dessus, envoyée le 11 août 1922 de Biarritz pour Bordeaux, et affranchie au tarif réduit de 10 centimes (tarif du 14 juillet 1922), a été non seulement taxée à 20 centimes comme une carte postale ordinaire insuffisamment affranchie, mais elle supporte en plus la surtaxe fixe de 1 franc, en raison de la correspondance inscrite au verso. Elle a été refusée par la destinataire, la taxe représentant 12 fois l'affranchissement initial.

          La carte postale suivante, envoyée en août 1922 de Royan pour Bordeaux, et dont la correspondance dépasse légérement du cadre réservé à cet effet, est tombée, elle aussi, sous le coup de l'article 7. Ce genre de taxation, jugé abusif, a soulevé de nombreuses protestations de la part du public. Une circulaire de septembre 1922 demandera aux postiers de se montrer indulgents, et de réserver la taxation aux abus manifestes, avant que l'application de la surtaxe aux cartes postales illustrées circulant à découvet ne soit définitivement supprimée en février 1923. L'article 7 de la loi du 29 mars 1920, qui concernait encore les cartes postales illustrées circulant sous bande ou sous enveloppe ouverte (ainsi que les imprimés en général), sera annulé par l'article 41 de la loi de finances du 19 décembre 1926 (J.O. même date).

Arrêté du 30 juin 1922
Usage tardif et abusif


De France, 30 décembre 1924, pour la Côte-d'Or.
Affranchie au verso à 10 centimes comme une carte postale illustrée 5 mots.
Coll. J.-C. Vincent

          Cette carte a été envoyée de France le 30 décembre 1924, affranchie au verso à 10 centimes pour le tarif de la carte postale illustrée de cinq mots au plus (loi du 22 mars 1924). Le postier du bureau de départ a considéré que le texte comportait six mots, et il a demandé la taxation à l'arrivée. Cette taxe aurait dû se calculer sur la base du tarif de la carte illustrée de plus de cinq mots, soit pour un affranchissement à 15 centimes, et une taxe de 20 centimes au minimum de perception (loi du 22 mars 1924, art. 78). Pour une raison inexpliquée, le postier taxateur a invoqué l'obsolète arrêté du 30 juin 1922 pour appliquer la taxe-amende de un franc, de manière aussi abusive que tardive.


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