Tahiti 1915
Provisoires et fonds de tiroir
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Les ÃÂÃÂtablissements franÃÂçais de l'OcÃÂéanie
(connus aussi des philatÃÂélistes sous le nom de Tahiti et DÃÂépendances) regroupent une demie-douzaine d'archipels polynÃÂésiens, ÃÂérigÃÂés en colonie
franÃÂçaise en 1880. Tahiti, situÃÂée dans les ÃÂÃÂles de la SociÃÂétÃÂé, abrite alors le siÃÂège du gouvernement colonial. DÃÂès 1892, les E.F.O.
ont ÃÂétÃÂé dotÃÂés de timbres-poste au type colonial Groupe allÃÂégorique portant en lÃÂégende la mention ÃÂÃÂTABLISSEMENTS DE L'OCÃÂÃÂANIE,
et dont les teintes sont reprises de celles de la sÃÂérie mÃÂétropolitaine au type Sage (dix centimes gris, quinze centimes bleu, etc ...).
Le nom de Tahiti n'apparaÃÂît plus sur les vignettes postales depuis 1893, ÃÂàl'exception d'une petite sÃÂérie surchargÃÂée ÃÂémise en 1903.
DÃÂès 1900, pour tenir compte du code de couleurs de l'Union postale, une nouvelle sÃÂérie, toujours au type Groupe, est ÃÂémise, comprenant,
entre autres, une valeur ÃÂàdix centimes en rouge et une autre ÃÂàquinze centimes en gris remplaÃÂçant les teintes prÃÂécÃÂédentes.
En avril 1906, le tarif postal de la lettre du premier
ÃÂéchelon de poids pour l'intÃÂérieur (France et colonies) est abaissÃÂé de quinze ÃÂàdix centimes, celui de la carte postale ÃÂétant conservÃÂé ÃÂàdix centimes, et
la vignette grise ÃÂàquinze centimes se retrouve quasiment dÃÂépourvue d'utilitÃÂé. A partir de 1913, une nouvelle sÃÂérie de grand format, reprÃÂésentant des
personnages et des paysages, est ÃÂémise en remplacement des types Groupe. Une dÃÂépÃÂêche ministÃÂérielle (nÃÂð 796) datÃÂée du 20 juillet 1912,
relative ÃÂàl'incinÃÂération des figurines postales du Groupe allÃÂégorique, avait enjoint aux gouverneurs de retirer du service postal les timbres-poste
des ÃÂémissions coloniales anciennes, tout en leur laissant, semble t'il, le choix des modalitÃÂés d'exÃÂécution. Contrairement ÃÂàce qui se passe dans plusieurs
autres colonies, les anciennes valeurs d'OcÃÂéanie ne perdent pas immÃÂédiatement leur pouvoir d'affranchissement, la directive ministÃÂérielle ÃÂétant d'ailleurs
antÃÂérieure ÃÂàl'ÃÂémission des nouveaux timbres-poste. Le stock des vignettes Groupe ÃÂàdix centimes rouges, qui seront retirÃÂées du service seulement
en dÃÂécembre 1914 (arrÃÂêtÃÂé du 26 mai 1914), n'est pas incinÃÂérÃÂé comme il aurait pu l'ÃÂêtre (comme ne l'a pas non plus ÃÂétÃÂé le reliquat des timbres-poste
ÃÂàquinze centimes bleus), ce qui s'avÃÂèrera utile par la suite.
Le collectionneur de timbres-poste - fÃÂévrier 1913
Les surcharges pour la Croix-Rouge
C'est un dÃÂécret du 11 aoÃÂût 1914 qui, en France, inaugure
l'ÃÂémission des timbres-postes dont la surcharge, non prise en compte dans l'affranchissement, est destinÃÂée ÃÂàÃÂêtre reversÃÂée ÃÂàun organiseme de bienfaisance.
Le succÃÂès auprÃÂès du public, mais surtout des collectionneurs, est assurÃÂé, et dans les mois qui suivent des ÃÂémissions rÃÂéalisÃÂées localement fleurissent aux
quatre coins de l'Empire colonial franÃÂçais, souvent plus vouÃÂées ÃÂàfigurer dans des pages d'album que sur des correspondances postales.
La premiÃÂère ÃÂémission locale pour la Croix-Rouge
La premiÃÂère surcharge pour la Croix-Rouge ÃÂémise par les
ÃÂÃÂtablissements franÃÂçais de l'OcÃÂéanie dÃÂécoule d'un arrÃÂêtÃÂé du Gouverneur en date du 22 avril 1915. Si les deux premiers articles du texte
ne font que reprendre les grandes lignes du dÃÂécret mÃÂétropolitain initial, les articles suivants dÃÂéterminent quels supports seront utilisÃÂés en OcÃÂéanie
(les vignettes ÃÂàquinze centimes en cours) et en quelles quantitÃÂés. Selon les renseignement fournis par un correspondant local du journal
Le Collectionneur de timbres-poste dans son numÃÂéro de juillet 1915, et bien que l'arrÃÂêtÃÂé ne fasse pas la distinction entre les teintes, il a ÃÂétÃÂé
surchargÃÂé localement neuf-mille-neuf-cents timbres gris de l'ÃÂémission de 1900 (dont deux-cents fautÃÂés et dÃÂétruits immÃÂédiatement), et dix-huit-cents timbres
bleus restant de l'ÃÂémission de 1892 (dont environ cinquante fautÃÂés), ce qui fait un total de quelques onze-mille-quatre-cents-cinquante figurines disponibles
pour la vente au public.
Les modalitÃÂés de cette vente ont fait l'objet d'un affichage,
expliquant que mille timbres-poste surchargÃÂés seraient vendus quotidiennement entre le 24 avril et le 3 mai, ÃÂàraison de cinquante exemplaires
maximum par personne, aprÃÂès inscription auprÃÂès du receveur des postes de Papeete. La vente de mille vignettes ÃÂàune vingtaine de personnes ne prenait pas
plus de quinze minutes par jour, d'aprÃÂès le tÃÂémoignage citÃÂé plus haut, et le stock de vignettes grise a ÃÂétÃÂé ÃÂépuisÃÂé en dix jours, auprÃÂès d'environ deux-cent
acheteurs. Une nouvelle affiche a alors annoncÃÂé la vente des figurines bleues pour la matinÃÂée du 4 mai, rÃÂéparties entre les personnes inscrites et
prÃÂésentes (ce qui serait revenu ÃÂàhuit exemplaires par personne). Le correspondant du journal fait remarquer qu'aucun timbre-poste n'a ÃÂétÃÂé rÃÂéservÃÂé pour le bureau
international de l'Union postale ÃÂàBerne, et qu'au vu des faibles quantitÃÂés ÃÂémises, et de l'engouement suscitÃÂé, ces timbres-postes ont de fortes chances de
devenir rares (le bleu ÃÂétant cinq fois plus rare que le gris, a priori). Selon Montader (Le Postillon, octobre 1915), les surchargÃÂés locaux
pour la Croix-Rouge se vendent jusqu'ÃÂÃÂ soixante-quinze francs ÃÂÃÂ Paris, soit cinq-cents fois leur valeur initiale.
On peut remarquer, d'une part,
que ces timbres sont les seuls de tous les surchargÃÂés Croix-Rouge franÃÂçais et coloniaux de cette pÃÂériode ÃÂàprÃÂésenter une faciale ÃÂàquinze centimes dans laquelle
la surtaxe de bienfaisance est implicitement incluse (toutes les autres vignettes ÃÂémises le sont sur des faciales ÃÂàdix centimes surtaxÃÂées ÃÂàcinq centimes), et d'autre
part que la mention TAHITI semble postalement inappropriÃÂée, ÃÂÃÂTABLISSEMENTS DE L'OCÃÂÃÂANIE paraÃÂîssant plus pertinent. De cela rÃÂésulte leur
classement illogique dans le catalogue Yvert & Tellier, relÃÂéguÃÂés en fin de la rubrique "Tahiti" (nÃÂð 34 et 35), alors qu'ils devraient
s'intercaler avant le numÃÂéros 38 de la rubrique "OcÃÂéanie" (mais le catalogue Y & T n'est pas ÃÂàune aberration prÃÂès).
L'ÃÂémission provisoire ÃÂàdix centimes
Au mois d'avril 1915, alors que ses commandes de timbres-poste ÃÂÃÂ
dix centimes (au type grand format Tahitienne) adressÃÂées au ministÃÂère des colonies aux mois d'octobre et janvier prÃÂécÃÂédents sont restÃÂées lettre morte, le chef
du service des postes signale l'ÃÂépuisement momentanÃÂé de ces figurines essentielles pour l'affranchissement des lettres ordinaires. Le gouverneur prend alors
le taureau par les cornes, et s'appuyant sur la prÃÂésence en stock des vignettes Groupe rouges dÃÂémonÃÂétisÃÂées, il dÃÂécide de les rÃÂéhabiliter par un
arrÃÂêtÃÂé datÃÂé du 28 avril 1915. Soixante-quinze-mille vignettes (probablement le reliquat existant) doivent ainsi ÃÂêtre surchargÃÂées E.F.O. /1915,
pour servir provisoirement en attendant le rÃÂéapprovisionnement.
La vente au public commence dÃÂès le 30 avril 1915, les
modalitÃÂés en ÃÂétant diffusÃÂées par affichage, comme pour celle des timbres de la Croix-Rouge. Cela peut sembler surprenant, les timbres-poste ÃÂàdix centimes
ÃÂétant a priori plutÃÂôt destinÃÂés ÃÂàÃÂêtre utilisÃÂés ponctuellement sur le courrier ordinaire ; mais les autoritÃÂés coloniales, alertÃÂées par le
succÃÂès des Croix-Rouge, ont anticipÃÂé l'intÃÂérÃÂêt probable des philatÃÂélistes pour ces figurines provisoires, au-delÃÂàde leur utilisation postale
normale, et il semble qu'elles aient voulu prendre des prÃÂécautions pour ÃÂéviter le dÃÂétournement d'une part importante du tirage par d'ÃÂéventuels spÃÂéculateurs.
Il reste que cette ÃÂémission a ÃÂétÃÂé nettement moins prisÃÂée par les collectionneurs que la prÃÂécÃÂédente.
La deuxiÃÂème ÃÂémission locale pour la Croix-Rouge
La premiÃÂère ÃÂémission des timbres de la Croix-Rouge ayant ÃÂétÃÂé
entiÃÂèrement ÃÂépuisÃÂée en seulement quelques jours, les autoritÃÂés coloniales, considÃÂérant le volume relativement important de vignettes postales provisoires ÃÂàdix centimes
surchargÃÂées en avril, dÃÂécidÃÂèrent de rÃÂéaliser une deuxiÃÂème ÃÂémission de bienfaisance sur cette base. Un arrÃÂêtÃÂé datÃÂé du 19 mai 1915 dÃÂécide que vingt-cinq-mille
figurines prÃÂélevÃÂées sur la quantitÃÂé surchargÃÂée E.F.O. /1915 sera ÃÂànouveau surchargÃÂée ÃÂàcinq centimes au bÃÂénÃÂéfice de la Croix-Rouge, ce qui
revient ÃÂàdire que le tirage de l'ÃÂémission provisoire hors Croix-Rouge ressort ÃÂàcinquante-mille exemplaires.
La vente au public s'est dÃÂéroulÃÂée dans les mÃÂêmes conditions que
pour la premiÃÂère sÃÂérie, soit mille exemplaires par jour et cinquante par personne. La totalitÃÂé du tirage ayant ÃÂétÃÂé rapidement vendue, et les autoritÃÂés
coloniales n'ayant plus disposÃÂé de types Groupe ÃÂàsurcharger, il leur a fallu attendre la livraison des figurines Tahitienne pour rÃÂéaliser
de nouvelles sÃÂéries surchargÃÂées, ÃÂàpartir de septembre 1915 (arrÃÂêtÃÂé du 2 septembre 1915 et suivants). Bien que les chiffres de tirage de ce deuxiÃÂème
type des timbres-poste de la Croix-Rouge d'OcÃÂéanie ait ÃÂétÃÂé de plus du double de celui du quinze centimes gris, leur raretÃÂé estimÃÂée est ÃÂàpeu prÃÂès ÃÂéquivalente,
alors que le quinze centimes bleu, avec un tirage trÃÂès infÃÂérieur, se dÃÂétache nettement du lot.
Les surcharges rÃÂéalisÃÂées en 1915 sur les types Groupe hors
d'usage en OcÃÂéanie se sont avÃÂérÃÂées ÃÂêtre une excellente opÃÂération pour les services postaux des E.F.O., trente-six-mille-quatre-cents-cinquante figurines
promises ÃÂàla destruction ayant ÃÂétÃÂé trÃÂès facilement ÃÂécoulÃÂées auprÃÂès des amateurs, l'immense majoritÃÂé d'entre elles sans rÃÂéelle utilisation postale, pour
un profit inopinÃÂé de prÃÂès de cinq-mille-cinq-cent-francs, la Croix-Rouge percevant le tiers de cette somme. Ce qui, toujours selon Montader, s'est avÃÂérÃÂé
ridicule par rapport au prix de revente de ces timbres-poste en mÃÂétropole ...
Les troisiÃÂème et quatriÃÂème ÃÂémissions locales pour la Croix-Rouge
Comme nous l'avons vu prÃÂécÃÂédemment, une fois que les timbres-poste
ÃÂàl'ancien type Groupe d'OcÃÂéanie ont ÃÂétÃÂé ÃÂépuisÃÂés, l'Administration coloniale a entrepris de surcharger les nouvelles figurines de grand format
vertical au type Tahitienne de 1913. Une nouvelle sÃÂérie de trente-mille surcharges est rÃÂéalisÃÂée au bÃÂénÃÂéfice de la Croix-Rouge en septembre 1915
(arrÃÂêtÃÂé du 2 septembre), dite troisiÃÂème ÃÂémission, et une autre encore de quarante-cinq-mille en octobre (arrÃÂêtÃÂé du octobre 1915), dite
quatriÃÂème ÃÂémission, le tout sur les faciales ÃÂàdix centimes. On peut noter que les surcharges, qui auraient pu ÃÂêtre identiques pour ces deux sÃÂéries,
ne le sont pas. Le graphisme et la disposition ÃÂétant diffÃÂérents, le rÃÂésultat donne deux vignettes assez nettement diffÃÂérentes.
L'histoire des surcharges locales de bienfaisance d'OcÃÂéanie
autrait pu se terminer lÃÂà, la surcharge suivante au bÃÂénÃÂéfice de la Croix-Rouge ayant ÃÂétÃÂé rÃÂéalisÃÂée ÃÂàParis, toujours sur les dix centimes
Tahitienne.
Mais un dernier avatar, jolie cerise sur le gÃÂâteau, est venu mettre le point final ÃÂàla saga des Croix-Rouge locales des E.F.O. Un arrÃÂêtÃÂé du Gouverneur
datÃÂé du 20 juillet 1916, considÃÂérant la pÃÂénurie, une fois de plus, des faciales ÃÂàdix centimes, prescrit que les timbres-poste de la Croix-Rouge
restant alors en approvisionnement seront vendus au public au prix de dix centimes, au lieu des quinze normalement prÃÂévus (article 1). Ils ne pourront
servir que pour lâÃÂÃÂaffranchissement exclusif des lettres simples du rÃÂégime intÃÂérieur ou franco-colonial, prÃÂésentÃÂées au bureau de Papeete et dÃÂéposÃÂées
immÃÂédiatement ÃÂàla poste pour ÃÂêtre oblitÃÂérÃÂées et distribuÃÂées en ville ou acheminÃÂées sur leur destination (art. 2). La dÃÂépense supplÃÂémentaire de cinq
centimes par figurine, dont le produit doit revenir ÃÂàlâÃÂÃÂÃÂ
ÃÂuvre de la Croix-Rouge franÃÂçaise, sera supportÃÂée par le budget local (art. 3).
A trop vouloir surcharger ...
Une marque provisoire de franchise militaire
En aoÃÂût 1914, la garnison franÃÂçaise de Papeete se rÃÂésume ÃÂàune compagnie d'infanterie
de marine, quarante-cinq artilleurs servant d'antiques batteries cÃÂôtiÃÂères et cinquante gendarmes. Une unique canonniÃÂère, La ZÃÂélÃÂée,
compose la force navale de l'archipel. Le mois suivant, les vaisseaux allemands Scharnhorst et Gneisenau, attirÃÂés par le stock de charbon
de Papeete, bombardent la ville et coulent La ZÃÂélÃÂée, sans toutefois pouvoir atteindre leur objectif. AprÃÂès cet incident, plusieurs
engagements de volontaires auront lieu. Mais lâÃÂÃÂadministration prÃÂéfÃÂère d'abord les maintenir sur place pour renforcer la garnison, avant d'envoyer le
premier contingent d'engagÃÂés tahitiens en mÃÂétropole en mars 1915.
Le dÃÂécret du 3 aoÃÂût 1914 (B.M.P.&T. nÃÂð 10, septembre 1914) concÃÂède la
franchise postale aux lettres pesant jusqu'ÃÂàvingt grammes (et par extension aux cartes postales) reÃÂçues ou envoyÃÂées par les militaires et marins mobilisÃÂés.
Un arrÃÂêtÃÂé local, datÃÂé du 15 octobre 1914, reprend les termes du dÃÂécret prÃÂésidentiel, et porte crÃÂéation d'un timbre spÃÂécial de franchise permettant
d'identifier l'origine militaire des courriers.
Au mois d'octobre 1915, le timbre spÃÂécial est supprimÃÂé en raison d'utilisations abusives,
et seul le contreseing du chef de dÃÂétachement des troupes coloniales est dÃÂésormais habilitÃÂé ÃÂàopÃÂérer la franchise postale militaire au dÃÂépart de Tahiti.
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Sources :
Le Collectionneur de timbres-poste - annÃÂée 1915.