Saigon-Paris en avion
... pour quelques millièmes de plus

     La liaison aérienne Indochine-France est ouverte au service postal régulier au début de 1931 sur le parcours Saigon-Marseille, la traversée du désert irakien étant encore effectuée en automobile. La durée ordinaire du trajet est alors de dix jours. La surtaxe aérienne est fixée à six francs par tranche de dix grammes depuis l'année précédente (décret n° 36833 du 21 décembre 1929), soit soixante centièmes de piastre en monnaie indochinoise.



Bull. de la Chambre de Commerce de Hanoï, 9 février 1931

     Une communication du directeur des postes d'Indochine datée du 2 février 1931, parue dans le bulletin de la Chambre de Commerce de Hanoï le 9 février suivant, détaille les modalités d'emploi du courrier par avion. Il y est précisé que la surtaxe-avion de soixante centièmes de piastre par dix grammes ne concerne que l'acheminement des lettres jusqu'à Marseille. Lorsque ces objets routés "par avion Saigon-Marseille" sont adressés en France au-delà de Marseille, ou lorsqu'ils ne sont pas routés, ils sont passibles d'une taxe de soixante-six centièmes de piastre pour les premiers dix grammes, dont six centièmes pour le tarif ordinaire franco-colonial du 15 octobre 1925. Ils sont transportés par voie ferroviaire depuis Marseille jusqu'à leur destination sur le territoire métropolitain.


Lao-Kay à Paris, 16 novembre 1931, 66 centièmes, fin du service aérien à Marseille.

     En revanche, si le routage mentionne expressément le service aérien intérieur supplémentaire "par avion Marseille-Paris", les lettres doivent supporter une surtaxe supplémentaire de trente-cinq millièmes de piastre par vingt grammes, équivalent indochinois de la surtaxe aérienne intérieure française dans le tarif du 8 août 1928. Des figurines postales à ce tarif n'étant pas disponibles, la surtaxe perçue en timbres-poste est de quatre centièmes.


Tong à Nemours, 25 janvier 1932, affranchissement avion à 70 centièmes jusqu'à Paris.

     En réponse au décret du 26 mai 1932 ayant créé le tarif de trois francs pour la lettre de cinq grammes circulant entre la France et l'Indochine, un avis des P.T.T. daté du 29 juin 1932 (bulletin de la Chambre de Commerce de Hanoï, 11 juillet 1932) fait état d'une modification dans la perception de la surtaxe pour le service aérien Saigon-Marseille. Un échelon de poids intermédiaire de cinq grammes est introduit, surtaxé à trente centièmes de piastre, la surtaxe de la lettre-avion de dix grammes restant de soixante centièmes de piastres.


Bull. de la Chambre de Commerce de Hanoï, 11 juillet 1932.


Haiphong à Orléans, 3 octobre 1932. Affranchissement à 36 centièmes.

     Le texte ne mentionne pas de changement dans la perception des surtaxes aériennes dues au-delà de Marseille. Il est donc sous-entendu que l'équivalent en centièmes de piastre de la surtaxe intérieure française doit toujours être perçu, lorsque le routage par avion est demandé jusqu'à Paris par l'expéditeur. C'est le cas pour la lettre ci-dessous, routée "par avion de Saigon à Marseille et à Paris", affranchie à une piastre, soit six centièmes pour le port ordinaire de vingt grammes, quatre-vingt-dix centièmes pour un triple port avion de quinze grammes, et quatre centièmes en sus pour le trajet aérien intérieur français au poids de vingt grammes. Compte-tenu de la date et de l'heure de distribution de la lettre à Paris, en l'absence de service aérien de nuit à cette époque, il est très probable que la lettre a terminé le trajet en train, et que la surtaxe aérienne supplémentaire a été payée en vain.


Saigon à Paris, 4 mars 1933, affranchissement à 1 piastre.

     Ce cas de figure, certainement très fréquent, est évoqué par la presse indochine au printemps de l'année suivante. Le premier service postal aérien de nuit entre Marseille et Paris est inauguré à titre d'essai en août 1933 (L'Avenir du Tonkin, 19 août 1933). En attendant, considérant que le principe général reste d'utiliser les voies ordinaires lorsqu'elles permettent de faire gagner du temps à l'acheminement (Instruction sur le service de la poste aérienne, 1930, ch. III, III, 2°), les correspondances parvenant d'Indochine par avion sont acheminées par le train entre Marseille et Paris, dans leur quasi totalité, ce qui incite la presse à déconseiller aux usagers l'utilisation de la surtaxe spéciale.


L'Avenir du Tonkin, 15 mars 1934

     Les possibilités d'affranchissement dans l'Indochine de l'entre-deux-guerres sont assez complexes et des erreurs ont été fréquemment commises par le public, et rarement relevées par les postiers. Pour ce qui concerne le sujet qui nous occupe, il est possible de voir des lettres portant la surtaxe supplémentaire pour le service intérieur aérien français, bien qu'adressées à Marseille.


Saigon à Marseille, 14 juillet 1934, affranchissement à 70 centièmes.

     La lettre ci-dessous présente une particularité remarquable. Affranchie à quarante centièmes pour la voie aérienne jusqu'à Paris, elle porte l'empreinte d'une demande de taxe à soixante-dix centimes de franc, dont l'utilité laisse perplexe, et qui a été annulée d'une double croix au crayon bleu.


Haïphong à Dreux, 21 février 1934, affranchissement à 40 centièmes.

     Cette empreinte se rencontre essentiellement sur des lettres expédiées de la ville de Haïphong ou de sa région, affranchies seulement pour la voie aérienne jusqu'à Marseille, mais à destination de localités plus lointaines. On peut se poser la question de son utilité et de ses modalités d'emploi. Considérant la lettre ci-dessus, on peut émettre l'hypothèse qu'elle concerne l'absence de la surtaxe spéciale pour le service intérieur aérien français à trente-cinq centimes, pour une perception en franc au double de l'insuffisance. Il s'agirait d'une marque locale provenant des bureaux de la région de Haïphong. Quoi qu'il en soit, la taxe à soixante-dix centimes est appliquée en chiffres-taxe par le bureau de distribution métropolitain, et perçue sur le destinataire, sauf omission ponctuelle.


Haïphong à Thann, 13 juin 1934, demande de taxe partiellement manuelle.


Honghay à Romainville, 13 septembre 1935, taxe non perçue.

     Comme souvent, ces affranchissements indochinois apparaîssent nimbés du halo de mystère propre à la Perle de l'Orient. C'est ce qui fait leur charme, et c'est pour cela qu'on les aime.

Retour au sommaire