Faux comte ou vraie bonne-sÃÂ
ÃÂur,
escrocs aux timbres-poste |
Les faux de Samoreau
L'histoire commence par un simple fait divers. Le 24 mars 1936, plusieurs titres de presse relatent l'ÃÂétonnante trouvaille de Simon Depul, cheminot du P.L.M. Trois jours plus tÃÂôt, alors qu'il marche sur la voie de chemin de fer qui longe la Seine, entre Champagne et Vulaines (Seine-et-Marne), il dÃÂécouvre ÃÂàSamoreau un paquet ficelÃÂé d'une trentaine de kilos, soit sur la berge du fleuve, soit sur le ballast, selon les sources. Le paquet s'avÃÂère contenir mille feuilles de timbres-poste ÃÂàcinquante centimes au type Paix, dont la caractÃÂéristique premiÃÂère est de ne pas ÃÂêtre dentelÃÂées. Les autoritÃÂés, aussitÃÂôt alertÃÂées, effectuent une analyse technique, et ouvrent une enquÃÂête pour dÃÂéterminer leur authenticitÃÂé et leur provenance.
Le 22 avril suivant, on apprend par les journaux l'arrestation de Louis Kalousek, ancien lÃÂégionaire, photographe et graveur expert dans la fabrication de fausses cartes d'identitÃÂé, qui opÃÂère dans un atelier de la rue des Gravilliers ÃÂàParis. La police a simplement suivi la piste des fournisseurs spÃÂécialisÃÂés dans le matÃÂériel d'impression. De fil en aiguille, on arrÃÂête Hubert Dufour, le commanditaire, et deux autres complices, Tourette et Gautherin. Les perquisitions effectuÃÂées ÃÂàleurs domiciles permettent de dÃÂécouvrir des quantitÃÂés importantes de faux timbres-poste, dont la presse nous dit simplement qu'ils sont diffÃÂérents des timbres de Samoreau, lesquels se sont rÃÂévÃÂélÃÂés ÃÂêtre faux. A quoi ressemblent les faux de Kalousek ? MystÃÂère ! Les malfaiteurs sont inculpÃÂés de contrefaÃÂçon et de recel.
Kalousek, Tourette, Dufour et Gautherin
Le commanditaire de l'opÃÂération, Hubert Dufour, s'avÃÂère ÃÂêtre un personnage hors du commun. AgÃÂé de vingt-six ans, cÃÂôtÃÂé cour c'est un comptable modeste qui vit en banlieue, mariÃÂé et pÃÂère de famille. CÃÂôtÃÂé jardin, c'est le comte de Monfort, qui mÃÂène grand train, et possÃÂède une garÃÂçonniÃÂère ÃÂàAuteuil oÃÂù il entretient une dispendieuse maÃÂîtresse. Ses revenus occultes lui viennent, semble t-il, du produit de cambriolages dont il serait receleur, ce qu'il nie, prÃÂétendant avoir gagnÃÂé ÃÂàla Loterie nationale. Il aurait ÃÂégalement dÃÂétournÃÂé des fonds dans la sociÃÂétÃÂé qui l'emploie. En septembre 1936, pour l'affaire des faux timbres-poste de la rue des Gravilliers, Kalousek ÃÂécope de six mois de prison, Dufour et Tourette de trois mois, le tout avec sursis.
Le Petit Parisien du 25 septembre 1936 assure que les premiers essais des apprentis faussaires ont ÃÂétÃÂé dÃÂésastreux, et qu'ils tÃÂâtonnaient encore lorsqu'ils ont ÃÂétÃÂé interpellÃÂés. Les faux timbres-poste de Samoreau ont-ils ÃÂétÃÂé fabriquÃÂés par Kalousek ? Ce n'est apparemment pas l'avis de la police, bien que la presse ait associÃÂé les deux affaires. Certains journaux dÃÂécrivent les vignettes trouvÃÂées par le cheminot comme ÃÂétant des imitations presques parfaites, au fini poussÃÂé jusque dans les plus infimes dÃÂétails, ce qui ne saute pas vraiment aux yeux ÃÂàl'examen. Il paraÃÂît douteux qu'elles aient pu ÃÂêtre ÃÂécoulÃÂées pour tromper la poste, mais pour se dÃÂébarrasser de ce genre d'objets compromettants, il y a mieux ÃÂàfaire que de les jeter dans la nature.
Le Dr. Grasset, dans son ouvrage sur les Timbres faux pour tromper la poste de France donne une description dÃÂétaillÃÂée des caractÃÂéristiques des faux timbres-poste de Samoreau, la plus ÃÂévidente restant tout de mÃÂême qu'ils sont non-dentelÃÂés.
Les recyclages de La Providence
Vers la fin du mois de mars 1937, un agent des postes, chargÃÂé du timbrage au bureau central de Grenoble, s'avise de ce que les timbres-poste apposÃÂés sur les envois du couvent de La Providence, ÃÂàCorenc (IsÃÂère), ne prÃÂésentent pas l'aspect ordinaire des vignettes neuves. Une surveillance effectuÃÂée sur les circulaires de demandes de fonds envoyÃÂées en quantitÃÂé par cet ÃÂétablissement rÃÂévÃÂèle la fraude : les religieuses n'achÃÂètent jamais de timbres-poste neufs. Plainte est dÃÂéposÃÂée.
Au magistrat-instructeur, la religieuse responsable se prÃÂésente tout d'abord sous une fausse identitÃÂé, sÃÂ
ÃÂur Angelica Berchmans, supÃÂérieure du couvent, avant de reconnaÃÂître qu'elle est en fait sÃÂ
ÃÂur Anne de JÃÂésus, ÃÂéconome, de son nom de ville Alice Thomas, ce qui lui vaudra une inculpation pour outrage ÃÂàmagistrat. Elle reconnait d'autre part se livrer rÃÂéguliÃÂèrement au lavage et grattage des oblitÃÂérations sur les timbres-poste usagÃÂés, mais aussi ÃÂàla reconstitution de timbres non oblitÃÂérÃÂés ÃÂàl'aide de fragments dÃÂécoupÃÂés avec minutie dans les timbres oblitÃÂérÃÂés. Un vrai travail de bÃÂénÃÂédictin ...
SÃÂ
ÃÂur Anne a probablement ÃÂétÃÂé pardonnÃÂée par le Seigneur, car elle a agi pour Sa plus grande Gloire. Quant ÃÂàAlice Thomas, le tribunal correctionnel l'a condamnÃÂée ÃÂàmille francs d'amende.