Franchise postale
et timbres lavés

          La franchise postale des réfugiés espagnols

          Au début de 1939, près d'un demi-million de ressortissants espagnols se réfugient en France à la suite de la chute de la République, consécutive à la victoire franquiste. Ils sont en grande partie hébergés dans des camps de concentration aménagés à la hâte, dans des conditions déplorables, d'abord dans le département des Pyrénées-Orientales (Argelès-sur-Mer, Saint-Cyprien), puis dans d'autres départements méridionaux. A l'origine, les lettres simples et les cartes postales peuvent être reçues par les internés sans affranchissement, le montant des taxes dues devant éventuellement être réclamé au Gouvernement franquiste. Les autres objets postaux ne peuvent pas circuler insuffisamment ou non affranchis. L'envoi par les réfugiés de correspondances sans affranchissement est toléré dans les mêmes conditions (note 116 am 22, D.E.P., 4 mars 1939), bien qu'il y ait eu des cas de taxation à l'arrivée.


Camp d'Argelès, 19 avril 1939. Taxe de port dû à l'arrivée.

          Une note datée du 29 avril 1939, rend obligatoire l'affranchissement de tout objet postal, et instaure la distribution de deux timbres-poste de franchise par mois et par réfugié, valables depuis les camps pour le tarif intérieur. Les lettres ainsi affranchies doivent être remises aux vaguemestres, ou déposées dans des boîtes aux lettres spéciales relevées par les services postaux. Des timbres-poste bleu au type Paix de Laurens, portant une faciale à quatre-vingt-dix centimes, sont surchargés d'une lettre F noire suivant le principe de la franchise militaire en temps de paix. Ils sont livrés sur demande, à partir de la mi-mai, la première date d'utilisation connue étant, à l'heure actuelle, celle du 17 juin 1939. Jusqu'à la réception effective des vignettes dans les camps, la règle précédente reste en vigueur.


L. Bonnefoy

          Des services postaux munis de timbres à date spéciaux ont fonctionné dans les camps d'Agde, Argelès, Gurs, Le Barcarès, Rivesaltes, Saint-Cyprien et Septfonds. Les autres camps ou groupements ont frappé leurs courriers à l'aide de marques administratives, et l'ont transmis aux postes locales. L'usage de ces timbres-poste de franchise est supprimé par une circulaire du 19 mars 1941.

          La réutilisation des oblitérés

          Pour une bonne partie des réfugiés, manquant de ressources, brutalement déracinés et souvent séparés de leurs proches, deux lettres gratuites par mois ont dû sembler bien peu. C'est probablement pourquoi certains d'entre eux ont tenté de réutiliser les timbres-poste oblitérés ordinaires collés sur les lettres reçues.

          Les archives du département du Doubs (merci à L. Bonnefoy) contiennent un nombre important de procès-verbaux établis après la saisie de telles lettres affranchies à l'aide de timbres-poste ayant déjà servi. Ils révêlent généralement le désir d'épargner quelques sous, la technique de grattage toujours à peu près identique, la généralisation de la pratique, souvent par des jeunes femmes, et le caractère anodin qu'il avait pour des gens sortant de trois ans d'une cruelle guerre civile. La méthode est si rudimentaire qu'il est peu probable qu'elle ait pu passer longtemps inaperçue des postiers. Les archives ne disent pas ce qu'il est advenu des contrevenants.

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