Janvier 1942 :
le Maréchal était coupable

          Dans l'imaginaire philatéliste, le timbre-poste coupé pour servir occupe une place de choix. En France, le premier exemple, et le plus fameux, concerne un exemplaire de la Cérès orange à quarante centimes de 1850 coupé en deux pour faire le tarif de la lettre territoriale, et accepté comme tel par les services postaux. On connaît aussi le cas de timbres-poste de l'Empire à vingt centimes coupés pour le service local, et quelques affranchissements de fortune de la guerre de 1870. Mais ce sont là des exemples exceptionnels, les bureaux de poste étant en temps normal largement pourvus en valeurs de toutes sorte, et à défaut d'un timbre humide de port-payé.


Le Cheylard, 16 mars 1855

          Au début de janvier 1942, la taxe de la lettre intérieure du premier échelon de poids est portée, en France, de un franc à un franc cinquante (décret du 23/12/1941, J.O. du 01/01/1942). Cette circonstance d'ordinaire banale va entraîner la réapparition inopinée de timbres-poste coupés sur lettres, et sonner grand branle-bas dans le landernau philatélique. Une certaine pénurie des vignettes au nouveau tarif postal, et par contrecoup des petites faciales d'appoint, aurait incité des usagers à couper en deux des valeurs au tarif antérieur pour servir de complément d'affranchissement, faisant miroiter des plus-values substancielles aux collectionneurs les plus avisés.


Paris-Soir, 17 janvier 1942

          Un article paru dans le journal Paris-Midi du 22 janvier 1942 explique à ses lecteurs que l'idée en serait venue à des philatélistes, l'approvisionnement en timbres-poste à un franc cinquante étant particulièrement difficile entre le 8 et le 13 janvier. La publication d'un entrefilet dans le journal Paris-Soir du 17 janvier (ci-dessus) aurait par la suite déclenché une avalanche de fabrications non justifiées, l'approvisionnement étant alors redevenu normal. Le journal précise aux spéculateurs tardifs que la plus-value éventuelle pourrait ne concerner que les affranchissements réalisés durant la courte période de pénurie.


Paris, le 9 janvier 1942, une très bonne date

          Le ministère des postes, consulté, déclare n'être pour rien dans l'initiative. Admettant les difficultés d'approvisionnement en valeurs au nouveau tarif, mais aussi le manque de valeurs complémentaires, il ne peut qu'inciter les postiers à faire preuve d'indulgence. La date d'application du tarif postal, généralement admise par les collectionneurs comme étant celle du lundi 5 janvier 1942, a été en réalité soumise à variations. En effet, la diffusion du Journal officiel, imprimé à Vichy, et dont dépend l'application des lois et décrets, n'a pas été simultanée dans tout le territoire, compte-tenu des difficultés de circulation dues à la situation militaire et politique. Dans la zone libre de l'Allier, le tarif est appliqué dès le 3 janvier. Ailleurs, tout dépend donc de la date de réception du Journal officiel dans les préfectures (voir à ce sujet l'article de L. Bonnefoy, Feuilles marcophiles n° 371). C'est ainsi que les journaux Le Figaro, L'Action française ou Le Temps annoncent le changement pour le dimanche 4 au matin, à Paris supposons-nous, tout comme Le Journal de Lyon. La date du lundi 5 est donnée par L'Echo de la Charente, La Gazette de Bayonne ou La Dépêche de Brest, celle du 7 janvier 1942 par L'Ouest-Eclair. Le Jour, journal parisien replié à Clermont-Ferrand, indique pour sa part la date du 8 janvier dans son édition de Vichy-Clermont du 24 janvier 1942.


Le Jour, 24 janvier 1942

          Nous laisserons au Petit Troyen du 28 janvier 1942 la responsabilité de sa conclusion : ces timbres n'ont aucun caractère légal ni même toléré et absolument aucun intérêt philatélique.


Bourg-en-Bresse (Z.L.), 6 janvier 1942, taxe demandée, non perçue.

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