Localisation des bureaux de la grande poste
de Paris identifiés par une lettre - 1796/1863
 
 
La poste à Paris avant 1789

     Les premiers bureaux de poste ouverts au public en France l’ont été à partir de 1622, à Paris, Lyon, Bordeaux, Toulouse et Dijon, tenus par des commis chargés de la réception et de la distribution des lettres, et de la perception des taxes. Le premier règlement fixant la taxe des lettres est daté d’octobre 1627. A cette date, les postes deviennent un service public.

     A l’origine, quatre ordinaires partent de Paris vers les quatre autres villes de France possédant un bureau. Vers 1650, on compte quatre bureaux de départ :
          - rue aux Ours, une fois par semaine pour la Flandre et l’Angleterre.
          - au portail de Saint-Eustache, deux fois par semaine pour la Bretagne et la Normandie, tous les jours pour Rouen.
          - au Marché-Neuf, une fois par semaine pour Calais, trois fois par semaine pour Reims.
          - rue Saint-Jacques, siège du bureau principal des postes, une fois par semaine pour Barcelone, Rome, Genève, Dijon, la Provence, le Languedoc, la Gascogne, deux fois par semaine pour Bourges, Lyon, Metz, Nancy, Bordeaux, Nantes. Il sera dénommé par la suite "vieille poste" après qu'il ait été abandonné.


Lutetia Paris, Gomboust, 1652

     Le Guide de Paris, publié en 1656 par le Sieur Dechuyes, nous apprend que le bureau général des postes de Paris se situe désormais rue Tirechappe, d'où partent les courriers ordinaires pour toutes les destinations méridionales, et que d'autres bureaux sont établis rue de la Tissanderie, près de la Grève pour la route de l'Est, rue Quinquempoix au Chef-Saint-Jean pour l'Angleterre et la Flandre, rue de la Verrerie vis-à-vis les Juges Consuls pour le nord du Royaume, et au bureau de poste de Rouen, rue du Jour vis-à-vis l'Hôtel de Royaumont près Saint-Eustache pour la Normandie et la Bretagne. Pour la commodité publique, des boîtes ont été placées à la vieille poste rue Saint-Jacques, au bureau de la poste de Rouen, et au autre au Pélican sur le pont Notre-Dame, Avant 1685, un nouveau bureau général est installé rue de la Limace, dans l'hôtel des ducs de Villeroy*. On trouve alors six boîtes de la grande poste dans Paris, levées deux fois par jour, pour envoyer son courrier en province ou à l'étranger.
"Cet hostel est dans la ruë des Bourdonnois  il consiste en plusieurs grands corps d'hostels avec deux portes d'entrée. Le corps de logis de derrière, qui a sa sortie dans la ruë de la Limasse, sert présentement de bureau général de la poste, pour recevoir les lettres, pour le dedans & le dehors du Royaume." (Paris ancien et nouveau, Le Maire, 1685). L'hôtel a probablement aussi une issue rue des Déchargeurs.


Nouveau plan de la ville de Paris, Monbard, 1694


Almanach domestique pour 1691, Michallet

     En 1715, il y a sept boîtes :
          - rue Saint-Jacques, au coin de la rue du Plâtre*, vis-à-vis la vieille poste.
          - au milieu de la place Maubert, vis-à-vis la Fontaine, à l'Image Saint-François.
          - faubourg Saint-Germain au coin du Jeu de Paume de Metz, chez M. Harsan, parfumeur.
          - rue Saint-Honoré, près les Quinze-Vingts, vis-à-vis la rue Saint-Nicaise, chez un potier d'étain.
          - rue Saint-Martin, au coin de la rue aux Ours.
          - rue Saint-Antoine, devant la rue Geoffroy-Lasnier, chez un maître patissier, au petit Louvre couronné.
          - et une nouvelle, dans la cour du Palais, près le May.
cette rue du Plâtre-Saint-Jacques (à ne pas confondre avec la rue du Plâtre-au-Marais), nommée initialement rue Plâtrière, est sans rapport avec une autre rue Plâtrière que nous verrons plus loin.

     En 1730, il y en a huit ...


Almanach royal pour 1730

     ... et douze en 1736.


Almanach royal, Vve d'Houry, 1736


Almanach royal, d'Houry, 1720

     Nous avons vu que depuis au moins 1685, le bureau général "pour recevoir les lettres tant françoises qu’étrangères" était situé rue des Déchargeurs. Il se situera rue des Poulies en 1738*, dans l'hôtel de Longueville, dit aussi de la Surintendance, puis ensuite rue Platrière vers 1760 (Almanach royal), dans l'hôtel d'Armenonville. Au début du XVIIIème siècle, les lettres à l'arrivée sont triées et dirigées vers les huit bureaux de distribution dans les quartiers, chacun employant dix facteurs (Almanach royal, 1711). Les lettres au départ sujettes à affranchissement doivent être portées au bureau général, Les lettres ramassées dans les boîtes de ville (trente-sept en 1771, dites petites boîtes, par opposition à la grande boîte du bureau général) sont menées à ce même bureau général, pour être taxées. Le public est averti que "les lettres qui sont jetées dans les boëtes de Paris pour Paris ne seront point portées à leurs adresses." (les lettres locales ne seront distribuées qu'en 1760, par l'intermédiaire des boîtiers et des facteurs de la petite poste). Une instruction de 1757 insiste sur la hiérarchie entre bureau de poste et bureaux de distribution, les seconds relevant directement du premier. Un directeur est à la tête du bureau de poste, doublé d’un contrôleur, dont les attributions sont de vérifier le nombre et le contenu des dépêches, le travail des commis et facteurs, la charge des chevaux, le respect des horaires, l’exactitude des taxes, le traitement des rebuts et franchises, la confection des dépêches, et le respect des règlements en général.
le bureau de la rue des Déchargeurs deviendra plus tard bureau général de la petite poste. Dans le but de dégager la façade du Vieux Louvre, on abattra la grande poste de la rue des Poulies, qui offusque ce bâtiment de la colonnade. (Chronique de la régence et du règne de Louis XV, Barbier, 1857)


Nouveau Plan routier de la ville de Paris, Crépy, 1750


Bureaux de distribution du bureau général - Almanach royal pour 1762

 
1760 : la petite poste de Paris

     En 1653, l’établissement d’une petite poste est mis à l’essai à Paris, apparemment sans grand succès. Si l'on en croit le Roman bourgeois d'Antoine Furetière, il arriva "qu’aucune lettre ne fut rendue à son adresse, et qu’à l’ouverture de ces boëstes [nouvellement attachées à tous les coins de rue pour faire tenir les lettres de Paris] on trouva pour toutes choses des souris.".


Loret, Gazette des Muses
(Louis Leroy, Histoire du timbre-poste français)

     La Déclaration du Roi, donnée à Versailles le 8 juillet 1759, établit, dans son article VII, "différents Bureaux pour porter d'un quartier dans un autre, dans l'anceinte [sic] des barrières, des lettres & paquets sur le pied de deux sols pour la lettre simple ...". L'entrée en service de la petite poste de Paris est prévue pour le début de juin 1760. Un Plan d'administration pour la Poste de Paris (Œuvres complettes de M. de Chamousset, 1783) détermine un découpage de la capitale en neuf quartiers incluant chacun un bureau pour la distribution des lettres. Ces lettres sont généralement envoyées en port payé ("Le port sera payé d'avance ...", Déclaration du Roi, 1759) mais peuvent aussi l'être en port dû, à condition qu'elles soient contresignées par l'expéditeur. Le facteur, ou le boîtier, est alors autorisé à recevoir ces lettres sans affranchissement, pourvu que ce soit dans son district, et qu'elles soient adressées à des personnes connues de lui, auprès de qui la taxe sera perçue. "Les lettres qui n'auront pu être rendues à leur adresse [...] seront rapportées par les facteurs au bureau de distribution de leur district, & seront reportées à ceux qui les auront contresignées, & qui paieront la moitié de la taxe". Les lettres affranchies non distribuées sont rendues à leur expéditeur, lorsqu'il est connu, avec remboursement de la moitié de la taxe.


Almanach royal pour 1762, d'Houry

     On trouve dans les almanachs l'expression "affranchir dans les boîtes pour Paris", et le lecteur habitué aux boîtes aux lettres actuelles peut se demander comment on pouvait, au dix-huitième siècle, poster des lettres en port payé en l'absence de timbres-poste. En pratique, ces boîtes n'étaient pas fixées aux murs sur la voie publique (contrairement à celles de la grande poste), mais étaient installées chez les buralistes de la loterie, chez des commerçants, ou encore dans la loge des portiers d'hôtels particuliers, rémunérés sur leur recette et dénommés boîtiers : "lesdites boîtes seront toujours placées sur le comptoir des marchands qui se chargeront des bureaux, soit dans quelqu'autres lieux apparents." (lettres-patentes du 5 mars 1758 accordées par Louis XV) ; "la boîte sera dans l'intérieur de la boutique du receveur à cause de la nécessité de l'affranchissement". Le public ne pouvait pas, en principe, confondre les boîtes de la petite poste avec celles de la grande poste. Le boîtier encaissait la taxe, timbrait la lettre, et la mettait à la boîte, un peu à la manière, toutes proportions gardées, de ce qui se pratiquera dans les recettes auxiliaires urbaines à la fin du siècle suivant. Il faut d'ailleur noter que cette pratique survivra à la petite poste (Les boîtiers ne peuvent affranchir que les lettres pour Paris et le département de la Seine, Almanach national, 1851).


Plan d'administration pour la poste de Paris

     Les facteurs, quant à eux, avaient un double rôle. Ils effectuaient la distribution des lettres dans le ressort de leur bureau de rattachement, puis, une heure plus tard, ils parcouraient les rues en jouant de leur claquette pour recueillir les lettres à l'expédition. Ils étaient pour cela munis d'un sac en cuir fermé à clef, celle-ci conservée au bureau, ouvert d'une fente permettant d'y insérer les lettres, mais pas de les en retirer. Ils jouaient donc le même rôle que les boîtiers, en proposant au public leur boîte aux lettres mobile. Les facteurs et les boîtiers étaient identifiés par un timbre à numéro ; les numéros des facteurs allaient de 1 à 19 dans chaque bureau, et les numéros de boîtiers commençaient à 20. Les facteurs relevaient également les boîtes chez les boîtiers situés sur leur passage.


Bureau D de la petite poste, port dû, 4ème levée de la boîte 20, taxe 2 sols

     Un avis au public intitulé Poste de la Ville de Paris, daté d'octobre 1761, nous donne une liste des neuf bureaux de quartier de la petite poste, chaque adresse étant précédée d'une lettre d'identification :
          A - place du Chevalier-du-Guet (quartier du Louvre)
          B - cloître Culture-Sainte-Catherine (quartier Saint-Antoine)
          C - rue Saint-Martin (quartier Saint-Martin)
          D - rue Neuve-des-Petits-Champs (quartier du Palais-Royal)
          E - rue Saint-Honoré (quartier Saint-Honoré)
          F - rue du Bac (Faubourg Saint-Germain)
          G - rue du Petit-Lion et des Quatre-Vents (Saint-Germain-des-Prez)
          H - Estrapade (quartier Sainte-Geneviève)
          I - rue Neuve-Saint-Etienne (quartier de Bonne-Nouvelle)
Une dixième lettre (K) est attribuée au service de la banlieue, situé dans le bureau du Centre, place du Chevalier-du-Guet. Des marques L et M sont également connues, qui ont fait l'objet d'articles parus dans les Feuilles Marcophiles.


Intérieur de l'un des bureaux de la petite poste de Paris en 1760.
Le service du tri. (d'après une gravure du temps)


Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs, Hurtaut & Magny, 1779.

     Le 1er juillet 1780, en vertu d'un arrêt du Conseil d'État daté du 28 juin, la régie des petites postes est réunie à l'Administration des Postes du Royaume. Durant encore quelques années, ses bureaux continueront cependant à ne distribuer que le courrier interne à Paris, ramassé par les facteurs ou dans les boîtes disposées dans la ville. C'est ainsi que l'on peut trouver, dans l'Almanach de la petite poste de Paris réunie à la grande poste, daté de 1784, une liste de neuf bureaux, et de leurs boîtes, ne concernant que le service de Paris.
          A - rue des Déchargeurs, et bureau de la régie
          B - rue de Fourcy-Saint-Antoine
          C - rue de Montmorency
          D - rue Neuve-des-Bons-Enfants, près celle des Petits-Champs
          E - rue et porte Saint-Honoré
          F - rue Saint-Dominique près celle des Saints-Pères
          G - rue de Condé
          H - rue des Fossés-Saint-Victor, porte Saint-Marceau
          I - rue Poissonnière, vis-à-vis la rue Beauregard

     Les bureaux de la petite poste sont doté d'un matériel postal relativement important, en regard de leur importance modeste et de l'époque à laquelle ils ont fonctionné.


G. Delwaulle

     Timbre de bureau, timbre de boîtier, timbre de facteur, indication du quantième, de la levée, marque de port dû, sans oublier la marque linéaire des boîtiers de village, ou celle indiquant les boîtes relevées au-delà des barrières, l'arsenal est assez fourni.


Dictionnaire universel de la France, Hesseln, 1771

     Un arrêt du Conseil d'État daté du 31 mai 1786 va radicalement modifier le système de la distribution des lettres locales dans l'ensemble du Royaume, en autorisant les bureaux de la grande poste à distribuer les correspondances nées dans leur ressort aux mêmes conditions de tarif que celles de la petite poste. En juillet 1788, les facteurs des deux postes sont réunis, et il n'est plus fait de distinction, dans le service des bureaux de quartier de Paris, entre la distribution des lettres venues de province et de l'étranger, et celle des lettres provenant des boîtes de Paris*. C'est la fin, en pratique, de la spécificité locale de la petite poste, pour ce qui est de la distribution des lettres dans la capitale. Si l'Almanach royal pour 1788 évoque encore son organisation (Il y a en cette ville une poste intérieure), celui pour 1789 n'en fait plus mention, contrairement à l'Almanach parisien d'Hébert**. Et si un décret du 22 août 1791 prévoit encore un tarif postal pour les petites postes établies en France, la loi du 27 nivôse an III n'en parle plus.
Au sujet de l'organisation de la grande poste de Paris, l'Almanach royal de 1788 parle de la distribution générale des lettres à leur arrivée à Paris. Celui de 1789 évoque la distribution générale des lettres tant de la province et de l'Étranger que de l'intérieur de Paris.
**  Vaillé (sources) donne le texte du congé donné par les administrateurs de la petite poste pour le bureau de la rue des Déchargeurs à M. de Létang, trésorier général des dépenses diverses, à la date du 1er juillet 1788. Le mois suivant, la comptabilité de la Petite Poste est fondue dans celle de la grande poste.


Almanach parisien en faveur des étrangers et des voyageurs pour l'année 1789, Hébert.

     Le système du port payé préférentiel hérité de la petite poste est abandonné au début de 1795 (Delwaulle, sources), les lettres de Paris pour Paris ne recevant désormais plus de marque spécifique lorsqu'elles sont en port dû, mais lorsqu'elles sont en port payé. L'almanach de 1796 signale encore l'existence d'un bureau spécial, situé à la Maison des Postes, destiné à l'affranchissement des lettres en port payé pour Paris et la banlieue. En juin 1798, le public est avisé qu'à partir du 1er messidor de l'an VI, il peut affranchir ses lettres pour Paris, les départements et l'Étranger dans les huit bureaux de distribution portant les lettres A à H. Il s'agit alors des bureaux de distribution de la grande poste.


Moniteur Universel, 22 juin 1798

     Mais dans l'esprit du public, la petite poste restera, très longtemps après sa fermeture, toujours liée à la levée des boîtes et à la distribution des lettres dans Paris. L'exemple ci-dessous est particulièrement démonstratif, qui évoque les origines de 1760, tout en affirmant que le service est encore, en 1840, "extrêment actif", bien qu'il détaille par le menu le service de la grande poste tel qu'il se présente après la réorganisation des levées et distributions de 1837.


Nouveau conducteur des étrangers dans Paris, Gauthier, 1840

 

 
Les bureaux de quartier de la grande poste après 1789


Plan de la ville et faubourg de Paris, Mondhare, 1790


Curiosités de Paris, Saugrain, 1771

     En 1789, l'Hôtel des Postes est situé rue Plâtrière, devenue, en 1791, rue Jean-Jacques-Rousseau (étoile rouge sur le plan plus bas). La Restauration a redonné à la rue son nom initial jusqu'en 1825, avant qu'elle n'adopte définitivement le nom du philosophe, qui y logea au n°2. Jusqu'en 1788, la localisation des bureaux de distribution de la grande poste n'est pas donnée par l'Almanach royal, qui n'indique que les quartiers desservis par les facteurs de chacun de ces bureaux. La raison en est que ces bureaux de distribution étaient encore situés dans l'enceinte même de l'Hôtel-des-Postes. Ce n'est qu'en 1789 que l'Almanach royal dresse une liste des distributions de la grande poste désormais réparties dans Paris, en remplacement de ceux de la petite poste. Mais c'est seulement à partir de 1795 qu'une lettre distinctive (allant de A à J) est associée à chacun des bureaux de quartier de la grande poste.


Manuel impérial, Rondonneau, 1804

     On note avec intérêt que les bureaux de quartier de la grande poste de 1789 sont souvent installés dans les mêmes rues ou à proximité de ceux de la petite poste, et qu'ils sont énumérés par l'Almanach en suivant le même ordre. Il est probable qu'il y ait eu une période de transition, au cours des années 1788/1795, durant laquelle les deux systèmes se soient cotoyés, avant de se confondre. On trouve d'ailleurs p