Les faux types Paix de 1937 :
de Barcelone, de Sissonne, de Nyons ou de Saint-Ouen ? |
Au dÃÂébut du mois d'avril 1937, le rapport d'un commissaire de la police mobile de Montpellier (A. N., cote F7 14702, IntÃÂérieur, SÃÂûretÃÂé Nationale) fait ÃÂétat d'une affaire de vente suspecte de timbres-poste. Un reprÃÂésentant de commerce du nom de Lucien Moulin aurait proposÃÂé, ÃÂàprix coÃÂûtant, plusieurs milliers de timbres en feuilles ÃÂàcinquante centimes ÃÂàl'un de ses clients nÃÂîmois. Ce dernier, ayant achetÃÂé quelques feuilles par complaisance, s'est empressÃÂé d'avertir la police aprÃÂès le dÃÂépart du commercial. Le policier envisage que les timbres-poste aient pu avoir ÃÂétÃÂé volÃÂés, Lucien Moulin ayant un train de vie peu en rapport avec ses ressources supposÃÂées.
Une note de la direction de l'Exploitation postale,
adressÃÂée aux directeurs le 2 juillet 1937, fait la description de timbres-postes contrefaits au type Paix de Laurens ÃÂàcinquante centimes (tarif de la lettre ordinaire) La teinte serait plus pÃÂâle que celle des vignettes authentiques, et l'impression grossiÃÂère. Figurent aussi des dÃÂétails portant sur la branche de laurier, la signature, la lÃÂégende infÃÂérieure ou les ombres du cou que l'on retrouvera dans des descriptions ultÃÂérieures. La note rÃÂéclame une surveillance accrue des correspondances dans les bureaux, en particulier sur les correspondances dÃÂéposÃÂées en nombre. Le lendemain, le quotidien Le Journal (anticommuniste, profasciste) prÃÂésente en premiÃÂère page la copie d'un timbre-poste au type "Paix-France" (sic), dont l'imitation est si parfaite qu'il faut ÃÂêtre spÃÂécialiste pour distinguer le faux du vrai, selon l'auteur de l'article. Le journaliste fait cependant ÃÂétat de certaines diffÃÂérences de gravure, de colle et de papier. Ce dernier paraÃÂît identique ÃÂàcelui des ÃÂémissions de la RÃÂépublique espagnole (alors aux prises avec le soulÃÂèvement franquiste), ce qui pourrait ne pas ÃÂêtre qu'une simple coÃÂïncidence. De lÃÂàÃÂàsupposer que les faux Paix ont ÃÂétÃÂé fabriquÃÂés ÃÂàBarcelone, il n'y a qu'un pas, allÃÂègrement franchi par Le Journal. L'Action franÃÂçaise (nationaliste, royaliste) s'empare de l'idÃÂée le lendemain, et affirme qu'une enquÃÂête approfondie rÃÂévÃÂêlerait une corrÃÂélation ÃÂétroite entre cette fraude, assurÃÂément destinÃÂée ÃÂàsoutenir les rÃÂépublicains espagnols sur le dos du contribuable franÃÂçais, et les opÃÂérations des groupements rouges dans le Midi de la France.
Le Journal, 3 juillet 1937
Une note de la Direction gÃÂénÃÂérale de la SÃÂûretÃÂé nationale, datÃÂée du 3 juillet, rapporte que l'auteur de l'article du Journal dÃÂétient des informations de premiÃÂère main sur l'origine espagnole des fausses vignettes. Une autre note de la mÃÂême origine, datÃÂée du lendemain, prÃÂécise que les vignettes seraient fabriquÃÂées ÃÂàBarcelone, et introduites en France par Port-Bou et Perpignan (ces "informations" de source anonyme ne seront pas confirmÃÂées par la police judiciaire, note nÃÂð 3 du 7 juillet 1937, SÃÂûretÃÂé nationale). On suppose qu'il y aurait deux types de faux timbres-poste diffÃÂérents, les grossiers et les parfaits. La Police judiciaire, avisÃÂée par l'Inspection gÃÂénÃÂérale des postes, enquÃÂêterait dÃÂéjÃÂàsur les premiers. Il est signalÃÂé d'autre part que le Parti Social FranÃÂçais (extrÃÂême-droite populiste, nationaliste) a alertÃÂé le ministre des P.T.T. du gouvernement Blum au sujet de cette fraude, sans qu'il y ait eu de suites, mais qu'il a l'intention d'exploiter cette affaire sur le plan politique.
Le journal Le Matin (anticommuniste, antiparlementariste) fait ÃÂétat, dans son ÃÂédition du 4 juillet, de la circulaire des P.T.T. diffusÃÂée auprÃÂès des receveurs leur demandant d'examiner attentivement les affranchisements. Une enquÃÂête administrative aurait permis de conclure que les fausses vignettes ne sont pas ÃÂécoulÃÂées dans les bureaux de poste, ce qui relativise, d'aprÃÂès la presse, la portÃÂée de la fraude. Les autoritÃÂés, prenant au sÃÂérieux la piste espagnole, font surveiller les frontiÃÂères et procÃÂèdent ÃÂàl'analyse du papier et de la gomme utilisÃÂés pour les falsifications (Excelsior - droite - du 5 juillet). Un rÃÂésumÃÂé du rÃÂésultat des analyses effectuÃÂées dans les laboratoires des P.T.T. est publiÃÂé par Le Temps (conservateur) du 7 juillet : bien qu'ÃÂétant quelque peu approximatif dans son exposÃÂé, le journaliste relÃÂève qu'il n'y a pas de correspondance entre les fausses vignettes et les timbres-poste franÃÂçais ou espagnols alors en circulation. Rien ne permet donc d'affirmer, selon ces rÃÂésultats, que la fabrication s'est faite en Espagne.
Direction de l'Exploitation postale, 5 juillet 1937
Le Temps, 7 juillet 1937
L'enquÃÂête sur l'origine espagnole des faux timbres-poste tourne court assez rapidement. Un premier rapport de police datÃÂé du 10 juillet ne signale la prÃÂésence d'aucun faux dans le dÃÂépartement des PyrÃÂénÃÂées-Orientales, ni d'aucune saisie aux postes-frontiÃÂère. Un second rapport du mÃÂême enquÃÂêteur, datÃÂée du 13 juillet, conclut que le seul cas suspect relevÃÂé dans le dÃÂépartement s'avÃÂère ÃÂêtre une fausse piste, les vignettes incriminÃÂées provenant ... de la gendarmerie locale. Un bloc de quatre de ces vignettes, joint au rapport, montre en effet des timbres-poste Paix au type I dont l'authenticitÃÂé ne semble pas faire de doute. La conclusion du policier est sans ÃÂéquivoques : "rien ne permet, pour l'instant, d'accorder au rÃÂédacteur de l'article du journal le crÃÂédit [...] consenti." Entretemps, une nouvelle note de la direction de l'Exploitation postale alerte les directeurs sur l'existence d'un deuxiÃÂème type de faux, contrefaÃÂçon mieux rÃÂéussie que celle visÃÂée par la note du 2 juillet. Suit une description du timbre, teinte plus foncÃÂée, gravure moins fine que celle de l'original, et autres dÃÂétails d'ombrage ou de dessin. La note appelle ÃÂànouveau les postiers ÃÂàla vigilance. On le voit il rÃÂègne une certaine confusion, que ce soit dans la presse, les services de police ou les services postaux.
Faux de Sissonne ou faux de Nyons ?
Le 8 juillet 1937, une note de la SÃÂûretÃÂé nationale fait ÃÂétat de la dÃÂécouverte de faux affanchissements par le receveur des postes de Sissonne. Les lettres proviennent du camp militaire ÃÂétabli dans la commune. Au cours d'une perquisition, la police dÃÂécouvre cinq-cent-vingt fausses vignettes au Foyer du Soldat, dont il s'avÃÂère qu'elles ont ÃÂétÃÂé achetÃÂées ÃÂàla recette des postes de Sissonne (rapport du 13 juillet, SÃÂûretÃÂé nationale). Le lendemain, Le Petit Journal (rÃÂépublicain, conservateur) rÃÂévÃÂèle ÃÂàses lecteurs l'arrestation des ÃÂépoux Jomin, accusÃÂés d'avoir ÃÂécoulÃÂé les faux timbres-poste ÃÂàcinquante centimes, dont une bonne part a ÃÂétÃÂé dÃÂébitÃÂée au guichet par l'ÃÂépouse, employÃÂée des postes, ÃÂàl'insu du receveur. Le bÃÂénÃÂéfice se serait portÃÂé ÃÂàcent-mille francs, selon L'Ouest-Eclair (droite catholique) du 11 juillet, mais le chiffre paraÃÂît ÃÂêtre trÃÂés exagÃÂérÃÂé, et en contradiction avec les dÃÂéclarations de Jomin, qui avoue ÃÂàla Justice avoir achetÃÂé, le 22 juin prÃÂécÃÂédent, pour seulement quatre-cent francs de fausses vignettes ÃÂàprix rÃÂéduit ÃÂàdes voyageurs de passage, car il manquait de liquiditÃÂés (Le Grand Echo du Nord de la France - droite libÃÂérale - 12 juillet 1937). Il dÃÂéclare ÃÂégalement ignorer que les timbres ÃÂétaient faux. Le mÃÂême journal du 31 juillet laisse supposer que les bÃÂénÃÂéfices de Jomin ont ÃÂétÃÂé modestes, car il aurait cessÃÂé son activitÃÂé et dÃÂétruit une partie des timbres aprÃÂès la lecture des journaux du 3 juillet. Le rÃÂôle des ÃÂépoux Jomin est considÃÂérÃÂé comme mineur par la Justice, ils sont libÃÂérÃÂés aprÃÂès quelques jours de prison, et acquitÃÂés en 1939 (Le ProgrÃÂès de la Somme - gauche rÃÂépublicaine - 23 avril 1939).
Entretemps, alors que la prÃÂésence de nombreux faux est constatÃÂée dans la rÃÂégion de Nyons (note de la prÃÂéfecture de la DrÃÂôme, 10 juillet 1937), le reprÃÂésentant de commerce Lucien Moulin se prÃÂésente au Procureur de la RÃÂépublique de MontÃÂélimar, reconnaissant avoir vendu des faux timbres-poste dans la rÃÂégion (Le Petit Parisien - droite - 12 juillet). Moulin, dÃÂéjÃÂàconnu pour avoir ÃÂécoulÃÂé des timbres-poste d'origine douteuse en avril prÃÂécÃÂédent, avoue avoir achetÃÂé les fausses vignettes ÃÂàParis, ÃÂàdeux inconnus. Il les ÃÂécoule ÃÂàNÃÂîmes, Montpellier, et ÃÂàNyons avec la complicitÃÂé d'un buraliste. Une perquisition menÃÂée en septembre 1937 au domicile de Raymond Vincente, agent de police et relation de Moulin, conduit ÃÂàla dÃÂécouverte de quarante-deux-mille-cinq-cent fausses vignettes au type Paix (SÃÂûretÃÂé nationale, 29 septembre 1937). D'aprÃÂès ses dÃÂéclarations, Moulin aurait vendu au moins soixante-quinze-mille faux timbres dans le Midi de la France. En 1938, il ÃÂécopera d'un an de prison, assorti d'une amende (L'HumanitÃÂé - communiste - 13 mars 1938).
Faux de Barcelone, via Saint-Ouen ?
Les enquÃÂêteurs de police, alertÃÂés par le MinistÃÂère des postes de l'existence d'affranchissements falsifiÃÂés portent un dateur de Saint-Ouen (SÃÂûretÃÂé nationale, notes des 6 et 7 juillet 1937), procÃÂèdent ÃÂàl'arrestation d'un buraliste de cette localitÃÂé, Gabriel Lavergne. Celui-ci dÃÂéclare ignorer que les timbres qu'il vendait ÃÂétaient faux, et que s'approvisionnant au hasard dans Paris, et non ÃÂàla recette des postes la plus proche de son commerce, il ne peut pas en prÃÂéciser la provenance exacte (L'HumanitÃÂé, 13 juillet). Le quotidien Ce Soir (communiste) du 14 juillet hasarde que Lavergne pourrait ÃÂêtre le fabriquant des fausses vignettes, sans toutefois pouvoir se montrer plus prÃÂécis. Les 13 et 14 juillet, avec une ÃÂévidente satisfaction, Le Journal, La LibertÃÂé (anticommuniste, fasciste) et L'Action franÃÂçaise (Les communistes la main dans le sac, titre ce dernier) s'empressent de prÃÂéciser que Lavergne est communiste, et que son ÃÂétablissement sert de lieu de rÃÂéunion et de permanence aux adhÃÂérents locaux du P.C.F. Cette information, rattachÃÂée ÃÂàl'hypothÃÂèse initiale - mais, nous l'avons vu, inexacte - du papier espagnol, va servir de prÃÂétexte ÃÂàune virulente campagne menÃÂée par la presse anticommuniste.
La LibertÃÂé, 20 juillet 1937
Le 20 juillet, Le Journal annonce l'arrestation de deux repris de justice notoires (juif, pour l'un d'entre eux, et ÃÂétrangers, comme par hasard, clame la presse de droite), IsraÃÂël Eleonoff, trouvÃÂé en possession de cent-dix-huit-mille faux timbres ÃÂàcinquante centimes, et Antoine Cuminato, dÃÂénoncÃÂé par son complice comme en ÃÂétant son fournisseur, mais qui, loi du Milieu oblige, ne rÃÂévÃÂèlera pas la provenance des vignettes. L'Action franÃÂçaise hasarde le mÃÂême jour qu'ils pourraient bien tous deux appartenir ÃÂàl'Internationale communiste. Le 22 juillet, La LibertÃÂé, sous le titre "Les faussaires rouges", tente de faire la dÃÂémonstration de l'implication des communistes dans le trafic des faux timbres-postes au type Paix. A l'initiative de J. Grandel, maire communiste de Gennevilliers, parti en Espagne pour y organiser le service postal des Brigades internationales, de grandes quantitÃÂés de lettres de brigadistes y seraient affranchies ÃÂàl'aide de faux fabriquÃÂés sur place, avant d'ÃÂêtre acheminÃÂées et postÃÂées en France, en particulier ÃÂàMontpellier, oÃÂù Grandel a des attaches. La preuve de la fabrication espagnole tiendrait dans la nature du papier employÃÂé, identique ÃÂàcelui des timbres-poste rÃÂépublicains, affirme encore le journaliste. Le Figaro (droite bourgeoise) reprend l'information le lendemain, sans trop de nuances mais en appuyant sur certains dÃÂétails, comme celui du papier espagnol, ce qui peut concourir ÃÂàlui donner ampleur et crÃÂédibilitÃÂé auprÃÂès de son lectorat conservateur. Les campagnes de dÃÂénigrement contre Grandel ne s'arrÃÂêteront pas lÃÂà, jusqu'ÃÂàla guerre.
Jean Grandel
Jean Grandel est nÃÂé le 4 septembre 1891 ÃÂàMontpellier. Fils d'ouvrier, ÃÂélÃÂève a l'ÃÂécole normale, il enseigne quelque temps avant de devenir surnumÃÂéraire des P.T.T. en 1910. En 1921, il est membre de la FÃÂédÃÂération communiste de l'HÃÂérault. En 1924, il est postier ÃÂàParis. Il est ÃÂélu secrÃÂétaire gÃÂénÃÂéral adjoint de la C.G.T.U., avant d'ÃÂêtre rÃÂévoquÃÂé en 1929 pour ses activitÃÂés syndicales.
DomiciliÃÂé ÃÂàGennevilliers, il y conquiert le siÃÂège de conseiller gÃÂénÃÂéral en 1934, puis devient maire. RÃÂéintÃÂégrÃÂé aux P.T.T. en mai 1936, il prend un congÃÂé en 1937 pour organiser les postes des Brigades internationales en Espagne, ce qui lui vaudra, nous l'avons vu, les attentions de la presse anticommuniste.
Il fait l'objet de plusieurs campagnes de la presse d'extrÃÂême-droite dÃÂénigrant sa gestion locale ou ses activitÃÂés syndicales. Il est dÃÂéchu de ses mandats en 1940 (Journal officiel, loi du 20 janvier 1940 prononÃÂçant la dÃÂéchÃÂéance des ÃÂélus communistes) et passe dans la clandestinitÃÂé. Il est arrÃÂêtÃÂé en juillet 1940, internÃÂé et fusillÃÂé comme otage par les allemands ÃÂàChÃÂâteaubriant en 1941 avec vingt-six autres militants.
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Un rapport ÃÂàl'Inspection gÃÂénÃÂérale de la Police criminelle, datÃÂé du 7 septembre 1937, conclut que les faux timbres-poste trouvÃÂés ÃÂàParis, Sissonne ou dans le Midi de la France ont les liens de parentÃÂé les plus ÃÂétroits, et prÃÂésentent des caractÃÂéristiques de malfaÃÂçon identiques. Une communication du procureur gÃÂénÃÂéral de Grenoble au Garde des Sceaux, datÃÂé du 15 septembre, signale que Lucien Moulin a probablement achetÃÂé ses fausses vignettes ÃÂàun repris de justice, DÃÂésirÃÂé Riotte, lors d'un voyage ÃÂàParis. Ce dernier est interpellÃÂé en novembre 1937 prÃÂès de la gare Saint-Lazare, alors qu'il tentait d'ÃÂécouler des bons de la DÃÂéfense nationale, mais il nie ÃÂêtre impliquÃÂé dans un quelconque trafic de timbres-poste. Un de ses complices, Paul FerrÃÂé, ÃÂégalement apprÃÂéhendÃÂé, avouera pour sa part avoir vendu plusieurs milliers de faux timbres-poste (Le Grand Echo du Nord de la France, 13 novembre 1937). Il comparait l'annÃÂée suivante en correctionelle, en compagnie de Lavergne, dont il ÃÂétait semble t'il le courtier. FerrÃÂé ÃÂécope d'une peine de prison assortie d'amendes, Lavergne est acquitÃÂé (L'HumanitÃÂé, 16 fÃÂévrier 1937).
Riotte et FerrÃÂé opÃÂéraient dans le voisinage de la gare Saint-Lazare.
Coll. lilleu
On ne connaÃÂîtra jamais le fin mot de l'histoire, seuls quelques comparses ayant ÃÂétÃÂé arrÃÂêtÃÂés, le plus important ÃÂétant Cuminato, truand de mÃÂétier qui refera parler de lui un peu plus tard dans d'autres affaires. L'affaire porte sur environ deux-cent-mille vignettes connues, et sans doute plus.
Les faux type Paix de 1937
La LibertÃÂé, 27 juillet 1937
Dans son ÃÂédition du 27 juillet 1937, La LibertÃÂé fait appel au directeur de la revue Le Collectionneur de timbres-poste, Th. Emin, afin qu'il aide le lecteur ÃÂàdistinguer le vrai du faux. Emin dÃÂétermine d'abord que la vignette est imitÃÂée du type III des collectionneurs, qui se caractÃÂérise par l'interruption du trait montant ÃÂàdroite de la jupe, sous la boucle de la ceinture. L'expert, reprenant les conclusions du laboratoire des P.T.T., note que la pÃÂâte ÃÂàpapier est diffÃÂérente de celle de l'original, plus riche en chiffons. La gomme diffÃÂère aussi, ainsi que sa mÃÂéthode d'application. Il dÃÂétaille ensuite la liste des diffÃÂérences de gravure, tout en admettant qu'elles peuvent ne pas ÃÂêtre constantes, l'examen n'ayant portÃÂé que sur un seul exemplaire. Le faux diffÃÂèrerait du vrai sur pas moins de vingt points, composition de la valeur faciale, lÃÂégende infÃÂérieure, signatures, dessin du visage, diverses hachures et ombrages, doigts de la main droite, feuilles de laurier, etc ...
A gauche, le vrai. A droite, le faux.
Plusieurs sources postales ou policiÃÂères dÃÂétaillent les anomalies prÃÂésentes sur les falsifications. Elles portent sur la branche de laurier, les signatures et la lÃÂégende, la finesse des traits et des ombres. Selon la direction de l'Exploitation postale, le moyen le plus simple et le plus sÃÂûr pour dÃÂéterminer l'authenticitÃÂé ou non d'une vignette consiste ÃÂàexaminer la signature de gauche si les lettres GRAV sont de hauteur identique, le timbre est authentique. Si les lettres GR sont plus hautes que les lettres AV, le timbre est faux. On peut remarquer qu'aucune source de l'ÃÂépoque ne s'interroge sur la dentelure et la largeur des faux timbres-poste, pourtant irrÃÂéguliÃÂères selon les vignettes, et quoi qu'il en soit anormales.
Annales de PhilatÃÂélie, nÃÂð 11, novembre 1941
Quelques annÃÂées plus tard, les Annales de PhilatÃÂélie (nÃÂð 11, novembre 1941) publient une ÃÂétude de Renaut d'Oultre-Seille consacrÃÂée aux faux postaux de France. AprÃÂès avoir tordu le cou ÃÂàla piste espagnole, qui n'est qu'une hypothÃÂèse purement gratuite, totalement romanesque, qui ne rÃÂésiste pas ÃÂàun examen critique d'un instant, l'auteur reprend les critÃÂères de son prÃÂédÃÂécesseur pour n'en conserver que sept, selon lui suffisant ÃÂàdistinguer le faux timbre-poste. Il s'attache par ailleurs ÃÂàla dentelure, qui lui paraÃÂît ÃÂêtre en peigne, comme celle des exemplaires authentiques, sans qu'il en soit absolument certain. De fait, certains blocs laissent voir des dÃÂécalages entre les dentelures horizontale et verticale. Il conclut enfin en estimant que le nombre de timbres-poste faux ayant circulÃÂé ne doit pas ÃÂêtre extrÃÂèmement important.
Enfin, Jacques Grasset, dans son ÃÂétude sur les timbres faux pour tromper la poste de France, enumÃÂère sous le titre Faux de Barcelone une sÃÂérie de critÃÂères reprenant trÃÂés fidÃÂèlement ceux de Renaut d'Oultre-Seille, en illustrant son propos d'une vignette possÃÂédant quinze dents sur la largeur, laquelle paraÃÂît plus importante que la normale. On peut noter que le Dr. Grasset ne relÃÂève pas cette caractÃÂéristique, pourtant extraordinaire, dans son propos.
Quatorze ou quinze dents ?
Si l'on examine avec attention les blocs des faux timbres-poste au type Paix de l'ÃÂétÃÂé 1937, on constate qu'au moins sur certains, la largeur des vignettes varie, une vignette large dentelÃÂée quinze dents alternant avec une vignette ÃÂétroite dentelÃÂée quatorze dents. Cette curieuse disposition, illustrÃÂée par D. Richardson dans sa monographie sur le type Paix, se retrouve ÃÂégalement sur certains blocs des faux Mercure de Galanis dÃÂécouverts un peu plus tÃÂôt cette mÃÂême annÃÂée 1937.
Coll. lilleu
Cela laisserait-il supposer que la fabrication, ou tout au moins la finition, a ÃÂétÃÂé rÃÂéalisÃÂée ÃÂàl'aide du mÃÂême matÃÂériel ?
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En dÃÂéfinitive, et en tout ÃÂétat de cause, les collectionneurs de faux timbres-poste au type Paix devraient donc abandonner sans plus attendre l'appellation de Faux de Barcelone pour celle, plus appropriÃÂée, de Faux de Paris.