Observatoire

 

Le bureau d'intérêt privé de l'Observatoire
du Puy-de-Dôme : mythe ou réalité ?
Il est assez fréquent de lire, dans la description de cartes postales représentant l'Observatoire du Puy-de-Dôme, et qui portent un timbre dateur non oblitérant dont la légende est en concordance avec l'illustration, que ces cartes ont été traitées par un bureau d'intérêt privé installé au sommet. Pour une bonne part, cette affirmation trouve son origine dans un article signé par G. Fabrègue, paru dans L'Echo de la Timbrologie n°1637 de décembre 1991. L'appellation de bureau d'intérêt privé désigne généralement des bureaux postaux dont la gérance est confiée à une personne étrangère à l'Administration des P. & T., bien qu'agréée par elle.


Lettre du 12 septembre 1877, pour le capitaine Bassot, Observatoire du Puy-de-Dôme,
géodésien, astronome, futur général de brigade et directeur de l’Observatoire de Nice.

L'Observatoire et le télégraphe

      A la clôture de sa session de 1869, le Conseil général du département émet le vœu que le Gouvernement établisse un observatoire météorologique sur le Puy-de-Dôme, qui domine Clermont-Ferrand du haut de ses 1465 mètres. Après quelques années de gestation et de travaux, l'établissement est inauguré en grande pompe, le 22 août 1876. Situé dans une tour circulaire perchée tout au sommet, il est accompagné d'un bâtiment annexe construit en contrebas, abritant des salles d'étude et d'expériences, ainsi que le logement du gardien, et des chambres pour héberger les scientifiques. Un passage souterrain permet de circuler entre les deux constructions sans s'exposer aux grandes rigueurs de l'hiver auvergnat. Enfin, pour compléter le tout, un bureau télégraphique est ouvert dans un local jouxtant le bâtiment annexe, permettant la liaison avec la station météorologique de Clermont-Ferrand, elle-même ouverte en 1874 dans la tour de Rabanesse, au sud de la ville. Ce bureau télégraphique dit "municipal" (géré par un opérateur ne dépendant pas de la Direction des lignes télégraphiques [1], probablement le gardien de l'annexe) est accessible au public dès le début de juillet 1875 (CGPDD 1875/08), soit un an avant l'inauguration de l'Observatoire. Notons aussi que dès cette date, un facteur rural a été affecté au service de l'Observatoire, faisant l'échange des dépêches à Enval, près de la Font-de-l'Arbre, au pied du Puy-de-Dôme, avec un collègue montant de Clermont (CGPDD 1875/08).



L'Observatoire surplombe le bâtiment annexe, flanqué du bureau du télégraphe.
Marque privée et oblitération Gare de Clermont-Ferrand du 8 juin 1908.

A l'origine, le télégraphe est installé pour permettre, d'une part, de comparer en temps simultané les observations effectuées entre la station du sommet et celle de la tour de Rabanesse, située 1000 mètres plus bas, et d'autre part de transmettre rapidement les prévisions aux communes disposant d'un bureau télégraphique (il y avait 41 bureaux télégraphiques dans le Puy-de-Dôme en 1879), prévisions très utiles, en particulier, aux agriculteurs. Il semble cependant que ce dernier service ait été supprimé dès le mois d'août 1882, et que les résultats des observations aient été transmis directement au bureau central météorologique de Paris, au grand dam des conseillers généraux du département. Par contre, le bureau permet aux visiteurs du site d'envoyer du sommet, à la belle saison, un message original à leurs connaissances restées dans la plaine. En 1875, alors que l'Observatoire n'est pas encore actif, 457 dépêches télégraphiques privées sont envoyées depuis le sommet, l'année suivante on en compte 663 (CGPDD 1877/08). Malgré ce nombre relativement important de dépêches, et bien que le bureau ait certainement été doté d'un matériel de timbrage standard, nous ne connaissons à l'heure actuelle aucune pièce télégraphique frappée d'un timbre de l'Observatoire. Le bureau reste ainsi plongé dans l'anonymat marcophile le plus complet pendant ses vingt-cinq premières années d'existence.


Timbre à date type 1884 de l'Observatoire (dateur inversé) et oblitération Royat du 3 août 1911.

Le timbre à date type 1884

Il va en sortir à l'aube du XXème siècle, grâce à un procédé de communication nouveau, attractif et peu onéreux, qui va rapidement prendre une place de choix dans la vie des touristes du monde entier pour de nombreuses années : la carte postale illustrée. C'est ce support qui nous permet de savoir que le bureau télégraphique de l'Observatoire du Puy-de-Dôme était doté, en 1901 (première date du 21 juillet donnée par J.- C. Delwaulle), d'un timbre à date postal du type 1884 [2] (cercle extérieur continu de 24 mm de diamètre, cercle intérieur à 12 tirets de 14 mm de diamètre, légende OBSERVATOIRE DU PUY-DE-DOME). Nous savons, par l'examen des correspondances, que ce timbre à date va rester en fonction jusqu'au milieu des années vingt. On le trouve sur de nombreuses cartes postales, mais jamais oblitérant, puisque le bureau du Puy-de-Dôme est exclusivement télégraphique. On peut d'ailleurs noter que le bloc dateur est frappé sans indication de levée, celle-ci étant remplacée soit par la petite lettre T indicative du télégraphe, soit par un ou deux astérisques, soit le plus souvent par un espace laissé vide. Les cartes frappées du timbre à date de l'Observatoire, ou encore d'un des nombreux tampons commémoratifs privés disponibles dans les commerces établis au sommet [3], sont ensuite acheminées vers le service postal [4], soit par le facteur rural si elles ont été collectées par le débitant, soit par les expéditeurs eux-même, lors de leur retour en plaine. Le timbre oblitérateur est d'abord celui de la recette principale de Clermont-Ferrand, jusqu'en 1906, puis celui du facteur receveur d'Orcines (installé en avril 1906, J.O. du 18/04/1906), mais on trouve aussi des oblitérations de Royat (recette ouverte en 1892, située au pied de la descente la plus directe), de la gare de Clermont-Ferrand, ou encore de convoyeurs de ligne, ou de localités plus éloignées.


... du Puy-de-Dôme, dont nous avons fait l'ascension ce matin.
Timbre à date type 1884 de l'Observatoire et oblitération de Clermont-Ferrand du 5 septembre 1904.


Vers 1907, des travaux sont en cours sur le bâtiment annexe.
Timbre à date type 1884 de l'Observatoire et oblitération Gare de Clermont-Ferrand du 18 août 1907.

Vers 1906 ou 1907, le bâtiment annexe d'origine laisse place à une construction agrandie, en bois ou recouverte de bois, qui abrite désormais en son centre le bureau du télégraphe, et qui recevra le téléphone à partir de 1910. Sur une carte postale datée de 1912, on distingue un panneau placé à l'entrée du bâtiment, en partie recouvert de neige, sur lequel on peut distinguer l'inscription  GRAND CHOIX de Cartes Postales [...] avec le tampon [...] Considérant la proximité du bureau du télégraphe, on peut penser que le tampon en question est le type postal 1884, qui est donc probablement (et sans complexes) frappé dans un but purement commercial.


L'entrée du bureau télégraphique est désormais au centre de la facade du nouveau bâtiment.
Timbre à date type 1884 et oblitération Royat du 25 août 1912.

Tramway et autobus

Jusqu'en 1907, l'ascension se fait principalement à pied, ou à dos de mule, par le fameux chemin des muletiers qui serpente sur le flanc ouest, même si quelques aventuriers ont tenté de rejoindre le sommet en automobile, le premier d'entre eux en 1905, ou encore en avion (atterissage de Renaux au sommet en 1911). Dès 1902, un projet de tramway circulant entre Royat et le sommet du Puy-de-Dome, par Fontanas, est déclaré d'utilité publique, avant que les droits n'en soient cédés à un entrepreneur concurent, qui établit une ligne de tramway à vapeur partant de la place Lamartine à Clermont-Ferrand, et gravissant la côte de la Baraque par les Quatre-Routes et Durtol, passant par Orcines puis rejoignant le col de Ceyssat par la Font-de-l'Arbre. Cette ligne devait être inaugurée à l'été 1906, elle ne le sera, semble t'il, que l'année suivante. Comme nous l'avons vu, un facteur-receveur était établi à Orcines depuis 1906, et il pouvait ainsi recueillir le courrier des touristes. La ligne de tramway ne sera jamais bénéficiaire. En 1926, elle est remplacée par un service d'autobus, inauguré le 28 juin, et circulant sur le même itinéraire.


Marque privée du 21 mai 1914, oblitération illisible


Marque privée du 13 mai 1927, carte non utilisée

Le timbre à date type 1904

Le timbre à date type 1884 va disparaître dans le milieu des années vingt, la dernière date constatée étant celle du 21 septembre 1925, avec un dateur sans levée. L'usage des timbres de facture privée, toujours non oblitérants (à une exception près) devient alors exclusif jusqu'au début des années trente [3].


Timbre à date type 1884 du 21 mai 1925, carte non utilisée

Ce n'est qu'à partir de 1931 qu'apparaît un dateur postal au type 1904 (simple cercle continu de 27 mm de diamètre, légende OBSERVATOIRE DU PUY-DE-DOME avec astérisque), qui sera utilisé exclusivement jusqu'au début des années soixante, toujours non oblitérant, du moins jusqu'à l'interruption due à la seconde guerre mondiale. Durant les premiers mois d'utilisation, l'indication de levée est remplacée par les caractères 0. *, typiques des oblitérations téléphoniques employées au début du siècle sur les tickets de conversation. Par la suite, l'emplacement de la levée sera laissé vide.


Timbre à date type 1904 et oblitération Royat du xx août 1931.

Les conditions de traitement des cartes postales, durant cette période, ne semblent pas différentes de ce qui se pratiquait auparavant. Les cartes ne sont toujours pas oblitérées au sommet, et leur traitement postal peut intervenir très loin du Puy-de-Dôme, comme à Marseille par exemple sur le premier cas illustré ci-dessous. Comme auparavant, on peut trouver des cartes portant le timbre à date de l'Observatoire, mais qui ont manifestement été écrites et postées dans un lieu et à une date différente. On remarque également que le timbre à date de l'Observatoire, qui commence à être très usé à la fin des années trente, a perdu son cercle extérieur dix ans plus tard. Il sera remplacé par un modèle sans astérisque, puis plus tard par un timbre en matière plastique.


Timbre à date type 1904, taxation par Marseille-Réexpédition le 24 avril 1940


Timbre à date type 1904 du 20 août 1948, oblitération de Royat du 27 août 1948

A partir de 1947, selon Strowski [5], "le gérant est autorisé à apposer le cachet télégraphique sur les correspondances de ses clients, ce qui leur donne un caractère postal." On trouve en effet, après la seconde guerre mondiale (en fait plutôt à partir de 1955), des cartes dont l'affranchissement est oblitéré par le timbre à date type 1904 de l'Observatoire. Le fait que cette oblitération soit systématiquement, jusqu'au début des années soixante, accompagnée du dateur d'un bureau de poste relativise son "caractère postal", il serait certainement beaucoup plus juste de parler simplement d'aspect postal.


Timbre à date plastique oblitérant du 22 août 1961 accompagné du dateur d'Orcines

Cette composition se rencontre jusqu'à l'été de 1961, le timbre de l'Observatoire étant la plupart du temps accompagné de celui du bureau d'Orcines, et d'un timbre rectangulaire privé représentant le Puy-de-Dôme. A partir de 1962, et jusqu'en 1966, semble t'il, le timbre de l'Observatoire se retrouve seul sur les cartes postales, comme si l'objet avait été traité au sommet du Puy-de-Dôme par un bureau postal d'intérêt privé. Nous ignorons si un tel bureau a réellement existé ou pas, à partir de 1962. Selon l'opinion de P. Lux [3], les marques oblitérantes de 1962/1966 sont des complaisances. Quoi qu'il en soit, les timbres dateurs de l'Observatoire du Puy-de-Dôme disparaissent du paysage marcophile au milieu des années soixante.


Timbre à date plastique oblitérant du 18 août 1962



[1] La Direction des lignes télégraphiques et la Direction de l'exploitation postale fusionneront en 1879 pour former le Ministère des P. & T.
[2] Les bureaux télégraphiques sont dotés de timbres à date postaux dès 1885, sur lesquels l'indication de levée est remplacée par la lettre T (B.M.P.T. n°2).
[3] P. Lamar (Feuilles Marcophiles n°222/226) en recense plus d'une douzaine. Il montre par ailleurs le seul exemple connu de timbrage privé oblitérant de l'Observatoire du Puy-de-Dôme, exceptionnel, mais anecdotique sur le plan postal.
[4] Les cartes pouvaient être affranchies au sommet, la vente des timbres-poste se faisant dans les bureaux télégraphiques (instruction 107, avril 1880), ainsi que chez les débitants de tabacs.
[5] P. Lamar donne comme source Estampille postale d'observatoire, Liaison philatélique n°188 du 25 mars 1943. Cet article ne peut pas concerner une autorisation donnée en 1947.

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