Mercure jouant (faux) de la Conque ...
Les faux timbres-poste à 50 centimes
de l'Exposition internationale de 1937

          Au début du mois de mai 1937 s'ouvre à Paris une Exposition internationale des Arts et des Techniques appliqués à la Vie Moderne, dont la clôture aura lieu à la fin de novembre suivant. Afin de promouvoir l'événement, il est décidé d'émettre une série de six timbres-poste. Les quatre plus petites valeurs sont imprimées en petit format (20/24 mm), elles sont signées par Démétrios Galanis, peintre et graveur français d'origine grecque qui jouit à l'époque d'une certaine notoriété.

     
B.O.M.P.T.T. n° 27, 21/09/1936 - Bloc de quatre du 50 c. avec coin daté du 16/09/1936

          L'impression se fait en typographie rotative par feuilles de cent, le tirage de la valeur à cinquante centimes ayant lieu entre le début d'août et le début d'octobre 1936. La mise en vente générale a lieu le 15 septembre 1936, soit huit mois avant le début de la manifestation, et elle doit en principe se prolonger jusqu'à la fin du mois octobre 1937. La durée de validité de l'émission étant illimitée, il n'est pas prévu qu'elle soit retirée du service à la fin de la période de mise en vente.


Le Collectionneur de timbres-poste, 25/10/1936

          Mais l'accueil réservé à la série par le public est catastrophique, et devant la multiplication des protestations, l'Administration envisage rapidement sa suppression en totalité. Le Musée de la poste conserve une épreuve pour bon à tirer portant la mention "supprimé le 11 février 1937". En mars suivant, un timbre-poste en taille-douce signé J. Piel, de bien meilleure facture, est émis en remplacement.


Le Bulletin des Philatélistes, janvier-mars 1937

          Les faussaires

          Le 12 mai 1937, un bon nombre de titres de la presse nationale ou régionale font simultanément état de la découverte de faux timbres-poste Galanis à cinquante centimes à Paris. Les informations, bien que parfois contradictoires sur les détails, s'accordent sur les points principaux : un philatéliste niçois de passage à Paris se procure, vers la fin du mois d'avril, un timbre-poste à ce type, qui s'avère être un faux à l'examen. Il en avise la Direction des postes, qui dépose alors plainte auprès du Parquet de la Seine. L'enquête policière débouche rapidement sur l'arrestation de deux hommes, un dénommé André Sautier et son complice, Henri (ou André) Pil (ou Pill). Sautier serait un ancien receveur auxiliaire des postes, et il tient un magasin de timbres en caoutchouc à Paris. La police le soupçonne d'avoir imprimé des feuilles de faux timbres-poste dans son atelier, bien qu'il ait déclaré aux enquêteurs en avoir trouvé trente-mille exemplaires dans un taxi, et ne pas savoir qu'ils étaient faux. Il les a ensuite transmis à Pil, ce dernier étant chargé de les écouler par le biais de la recette auxiliaire dont il est responsable dans le quartier de la gare Saint-Lazare, en dépit du fait que ces figurines soient retirées du service depuis plusieurs semaines. Quelques milliers de vignettes supplémentaires sont retrouvées chez Sautier, provenant, d'aprés lui, de son ancienne recette auxiliaire. Environ vingt-quatre-mille de ces faux timbres-poste auraient été écoulés. Nous ignorons quelles suites judiciaires ont été données à cette affaire.


L'Humanité, 12/05/1937

          Dans un article publié par l'Echo de la Timbrologie le 31 mai 1937, le baron de Vinck révèle la découverte faite par Aimé Brun au mois de mars précédent d'une feuille de cent timbres faux au type Galanis à cinquante centimes. L'Atelier des Timbres-poste ayant été consulté, le retrait des timbres au type Galanis est décidé. On constate que ce récit diverge du précédent sur plusieurs points, comme la date de découverte, l'identité du découvreur, le nombre de vignettes trouvées, ou la nature de l'autorité alertée. Notons que ce n'est pas a priori la découverte des faux qui a entraîné la suppression de la série, mais, à une date antérieure, son rejet par le public.

          Les faux timbres

          Une description des fausses vignettes (celles découvertes par A. Brun) est donnée par le Dr. Grasset dans son ouvrage sur les "Timbres faux pour tromper la poste de France" (de Méyère, 1976). Les différences portent sur certains détails de gravure, sur la teinte, mais surtout sur la dentelure : l'original compte quatorze dents en largeur, le faux de Grasset en compte quinze, la confusion entre les deux étant a priori impossible. La vignette originale mesure vingt millimètres, dentelure comprise, pour une largeur imprimée de dix-sept millimètres. Pour une même largeur imprimèe de dix-sept millimètres, le faux présentè par Grasset mesure environ soixante-dix centièmes de plus, dentelure comprise.


A gauche, l'authentique. A droite le faux illustré par Grasset


Les timbres faux pour tromper la poste de France, J. Grasset

          Il n'en reste pas moins que l'on trouve sur le marché philatélique un certain nombre de Galanis orange ou rouge proposés comme faux, bien que leur dentelure compte quatorze dents dans la largeur. On y retrouve les critères présentés par le Dr. Grasset pour ce qui concerne la teinte (pour certains), le manque de netteté du dessin ou la lourdeur de l'impression. Ces vignettes semblent être généralement un peu moins larges que l'original, la diminution pouvant varier de quelques dixièmes de millimètre (entre quatre et huit, environ) pour une même largeur de la zone imprimée.


Deux timbres-poste proposés à la vente en tant que faux.

          Si l'on superpose des vignettes à quatorze dents présumées fausses avec un exemplaire original, on constate que l'original est légèrement plus large, et que sa dentelure est un peu moins serrée. Le baron de Vinck n'ayant probablement examiné qu'une seule feuille à l'heure où il a écrit son article, il est bien possible que ces variations de taille et de dentelure, tout comme certaines variations de teinte, peut-être dues au caractère artisanal du tirage et du piquage, lui aient échappé. De la même façon, il semblerait qu'il y ait eu des différences assez nettes dans l'emploi des papiers.

          Les différences de dentelure entre les timbres-poste authentiques et les faux sont bien perceptibles sur les blocs : la ligne de dentelure verticale étant légèrement décalée sur les deux axes, l'espacement et l'alignement des trous est irrégulier sur les faux timbres (croix en rouge à droite), alors que les deux lignes de dentelure se croisent de façon parfaitement symétrique sur les vrais (croix en bleu à gauche). Sur un exemplaire faux isolé, ce décalage de piquage se remarque par des dents latérales supérieures plus épaisses que les dents latérales inférieures.

          Il semble que les feuilles des faux Galanis, ou au moins certaines d'entre elles, présentent des colonnes de vignettes dentelées alternativement quatorze et quinze dents, six colonnes de quatorze pour quatre colonnes de quinze. Cette disposition se retrouve sur les feuilles des faux types Paix découverts un peu plus tard la même année, ce qui peut laisser supposer une origine commune. On rencontre par ailleurs d'autres faux Galanis dotés d'une dentelure complètement atypique.

     

          Si Pill a réellement écoulé pour douze-mille francs de faux Galanis au guichet de sa recette auxiliaire, ils ne devraient pas être trés rares à l'heure actuelle, en neuf comme en oblitérés.

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