Les timbrages Daguin
dans le Puy-de-Dôme

     Jusqu'en 1884, en France, l'oblitération des timbres-poste et l'application des marques postales (le timbrage, en d'autres termes) sur les objets postaux se faisaient manuellement, à l'aide de timbres oblitérants (losanges chiffrés, pour les lettres provinciales, jusqu'en 1876) ou de timbres à date. L'Administration, cherchant à simplifier et à accélerer le processus, mit à l'essai, puis adopta un procédé mécanique, dont le principe consistait dans le montage de deux dateurs sur un bras articulé muni d'un rouleau encreur, ce qui permettait d'encrer les timbres et de frapper deux empreintes en un seul mouvement. L'ingénieur Eugène Daguin ayant déposé plusieurs brevets pour cette machine à timbrer et oblitérer les lettres, le procédé passa naturellement à la postérité sous son nom.


Bull. XII, n° 698

          1884 : les marques à dateurs

     Le premier bureau de poste du département du Puy-de-Dôme à mettre en œuvre ce système avant-gardiste fut très logiquement celui de la recette principale de Clermont-Ferrand, rue du Poids-de-Ville, au mois d'octobre 1884. Les frappes jumelles de deux timbres à date d'un type nouveau (cercle intérieur discontinu à douze tirets, lettrage de la couronne sans empattements) présentent quelques différences de détail, l'une par rapport à l'autre, qui permettent d'affirmer qu'il ne s'agit pas ici de la double frappe d'un même timbre à date manuel. Les empreintes jumelées Daguin du bureau de Clermont-Ferrand-RP sont habituellement frappées en départ entre la fin de 1884 et le début de 1889, avant de connaître une éclipse de dix-huit ans. Elles réapparaîssent ensuite à partir de 1907, jusqu'à la guerre, utilisant dès 1909 les nouveaux dateurs de type 1904 à simple cercle.

Jumelés de Clermont-Ferrand

          Il est possible d'identifier quatre (et seulement quatre) timbres à date du type de 1884 ayant produit des empreintes jumelées Daguin à Clermont-Ferrand entre octobre 1884 et mars 1889. Ces empreintes se composent toujours des mêmes paires, que nous appelleront paire A (timbre 1 et 2), et paire B (timbre 3 et 4). Les timbres peuvent être intervertis à l'intérieur d'une même paire. Nous pouvons donc supposer qu'il y avait deux machines à timbrer Daguin en service à la recette de Clermont-Ferrand au début de 1885, chacune conservant ses dateurs.

          Entre octobre 1884 et novembre 1886, nous rencontrons fréquemment ces deux paires, frappées en nombre égal sur le courrier ordinaire au départ. Puis, à partir de 1887, nous ne trouvons plus que les empreintes laissées par la seconde paire. Enfin, en avril 1889, les Daguins jumelées disparaîssent subitement du paysage clermontois. Durant cinq ans, aucun timbre à date du type de 1884 n'est plus frappé à la recette principale de Clermont-Ferrand, avant que les composants de la seconde paire ne réapparaîssent, dissociés et utilisés a priori manuellement, jusqu'au début du vingtième siècle.

          Les empreintes jumelées Daguin se retrouvent au printemps de 1907, composées des timbres à date initiaux de la paire A tels qu'ils étaient en octobre 1884. On rencontera en 1909, lors de l'attribution du nouveau type de timbre à date à simple cercle à la recette principale, des empreintes mixtes nées de l'association de ce nouveau timbre et des anciens types de 1884, en variante FD et FERRAND. Il semble que ce soit-là le seul exemple avéré de l'utilisation de ce dernier dateur sur une machine Daguin. Des empreintes Daguin composées de deux timbres à date à simple cercle se trouvent par la suite, avant la Grande Guerre.

Coll. JfC. Merci à François Cas.

     Des machines à timbrer Daguin furent également installées dans les recettes des postes de Riom, Thiers et Ambert, trois des quatre sous-préfectures du département, au cours de l'année 1885. Ce matériel servit plus ou moins régulièrement durant les dernières décennies du siècle, en principe pour le timbrage au départ. On ne connaît par contre pas de marque de machine Daguin portant l'intitulé de la ville d'Issoire, pourtant sous-préfecture hébergeant un bureau de poste important à l'échelle départementale. On peut remarquer par ailleurs que l'utilisation de la machine Daguin n'a pas fait cesser pour autant celle des timbres dateurs manuels du type 1875.

     Outre leur utilisation ordinaire en configuration jumelée, ces machines ont aussi été employées avec un seul dateur, configuration théoriquement adaptée pour le timbrage à l'arrivée, qui ne nécessite qu'une seule empreinte, mais que l'on rencontre aussi fréquemment en départ. On trouve donc ces marques simples frappées deux fois, ce cas de figure ne pouvant être identifié à coup sûr que lorsque l'encrage du timbre ayant débordé sur une petite pièce circulaire placée en avant de celui-ci, et destinée à immobiliser l'objet postal lors de la frappe, elle y laisse une marque parasite en guise de signature Daguin.


Doubles frappes Daguin solo avec marques parasites

     En plus des quatre bureaux de poste déjà cités, on rencontre, dans les premières années du vingtième siècle, des empreintes solo Daguin frappées au départ par ceux de Royat, du Mont-Dore, de La Bourboule, de Clermont-Ferrand-Préfecture, et plus tardivement de Châtelguyon. Il est possible que d'autres bureaux aient utilisé ce procédé, mais comme on l'a dit, les marques apposées par la machine Daguin dans cette configuration ne sont pas discernables en l'absence de la marque parasite accidentelle. On constate qu'à partir des premières années du vingtième siècle, les dateurs introduits en 1884 ont laissé la place à des nouveaux modèles agrandis et simplifiés datant de 1904.

          1924 : les flammes de propagande

     Cinquante ans après leur apparition, les machines à timbrer Daguin vont trouver une seconde jeunesse grâce à une communication aux préfets du sous-secrétaire d'État des postes Paul Laffont parue dans le Journal officiel du 16 août 1923. Les communes sont désormais autorisées à faire valoir leur patrimoine aux yeux du public au moyen de flammes de propagande apposées par des timbres carrés jumelés aux dateurs de leur bureau de poste. Une note du même signataire adressée aux préfets le 8 août précédent met l'accent sur le coût modique de l'opération dès lors que les bureaux de poste sont déjà équipés d'une machine à main ordinaire, c'est à dire d'un modèle Daguin.


Archives Nationales, merci à L. Bonnefoy

     C'est ainsi qu'à partir de 1924 et jusqu'à la guerre, les bureaux clermontois de la recette principale (bureau de première classe), du central télégraphique (première classe), de la préfecture (troisième classe) et de la gare (entrepôt) vont exhorter les touristes à visiter Clermont-Ferrand. Riom (sous-préfecture, deuxième classe) se proclamera ville d'Art, capitale judiciaire de l'Auvergne entre 1926 et 1931, et Thiers (sous-préfecture, deuxième classe) capitale de la coutellerie entre 1923 et 1936. Les bureaux des deux dernières sous-préfectures, Ambert (troisième classe) et Issoire (deuxième classe) ne sont pas connus pour avoir diffusé des messages de propagande touristique, économique ou sociale.

  

     Le thermalisme étant une des grandes richesses du département, c'est naturellement sur ce secteur que porte l'effort principal de propagande. Royat (bureau de troisième classe) n'utilise pas moins de quatre flammes différentes pour vanter les bienfaits de sa station thermale entre 1924 et l'après-guerre.

     Le bureau de Châtelguyon (troisième classe) en applique pour sa part trois différentes sur les objets postaux entre 1924 et la guerre, dont une temporaire. Nous avons vu plus haut que la machine Daguin y a été utilisée dépourvue de son carré publicitaire à partir de la fin de 1940. Cela s'explique par les mesures prises entre le 26 août et le 30 septembre 1940 indiquant l'inconvénient, suspendant provisoirement ou prescrivant le retrait des flammes de propagande touristique.

     Quant aux bureaux de La Bourboule (troisième classe) en 1924/1925, du  Mont-Dore (troisième classe) en 1925/1926 et de Saint-Nectaire (quatrième classe) entre 1925 et 1952, une seule flamme leur suffit à chacun pour mettre en avant, de façon plus ou moins explicite, les effets de leurs eaux ou de leur air sur la santé des visiteurs.

     Pour clore la thématique thermale appliquée aux empreintes Daguins du Puy-de-Dôme, il convient enfin de signaler l'apposition d'un carré de propagande par le bureau secondaire de Châteauneuf-les-Bains entre 1954 et 1959, dont il n'est toutefois pas certain, au vu des marques connues, qu'il ait été installé sur une machine à timbrer, mais peut-être plutôt utilisé manuellement muni d'un manche pour timbre à date.

     Un état de dotations des machines Daguin par département, daté de la fin des années trente, attribue sans autres précisions deux machines aux bureaux de première classe du Puy-de-Dôme (soit la recette principale et le central télégraphique), trois aux bureaux de deuxième classe (Riom et Thiers étant connus, mais pas Issoire), neuf aux bureaux de troisième classe (Billom, Montferrand et Saint-Eloy-les-Mines ne sont pas connus). Dix-huit machines supplémentaires sont réputées avoir été en dotation dans des bureaux de quatrième classe (on en compte une trentaine dans le département). Seuls sont cependant connus pour avoir utilisé des flammes de propagande Saint-Nectaire, que nous avons vu plus haut, Saint-Rémy-sur-Durolle, ville coutelière à l'air pur, et Veyre-Monton. Sur les trente-deux machines Daguin présentes dans le Puy-de-Dôme vers 1936, dix-huit à peu près n'auraient donc pas eu d'utilisation, ou pour le moins n'ont pas pu être identifiées à l'heure actuelle. Le coût de l'acquisiton du matériel de propagande, même relativement modique, restant à la charge des utilisateurs, on peut comprendre qu'un certain nombre de petites municipalités sans attrait particulier aient préféré en faire l'économie.

     Après la guerre, en dehors de Châteauneuf-les-Bains que nous avons vu, on trouve encore deux bureaux ayant fait usage de carrés Daguin : Murol, qui a utilisé deux flammes en 1950/1954, puis en 1954/1955 avec deux messages différents (la lettre "s" finale de la graphie ancienne a été supprimée par une décision du Conseil d'Etat datant de 1953) ...

     ... et Volvic entre 1954 et 1958, dont le carré publicitaire semble manuel.

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