Un nouvelle convention de poste, destinée à remplacer d'une part la convention de 1865 avec la Prusse, caduque depuis l'unité allemande, et d'autre part
le système du double affranchissement, hérité de la guerre, sera signée le 12 février 1872. La principale innovation, par rapport aux conventions précédentes, réside dans
son article 12 : chaque administration garde la totalité des sommes percue par ses soins, alors que jusque là, les accords bilatéraux stipulaient en général
que les sommes percues devaient être réparties entre les deux offices contractants. Le tarif de la lettre affranchie, pour un poids de 10 grammes, est fixé à
40 centimes ou trois gros, celui de la lettre en port dû à 60 centimes ou cinq gros.
Il était prévu que cette convention entrerait en vigueur le premier mai 1872, au plus tard. Or, elle n'a été approuvée que le 14 mai par l'Assemblée nationale, et
ratifiée, à Versailles, par les deux parties, le lendemain 15 mai. C'est là que se situe l'extravagante particularité de cet accord : l'administration allemande applique
immédiatement les termes de l'accord, alors qu'en France, la promulgation au journal officiel attendra le 24 mai, pour un mise en vigueur le lendemain. Pendant dix jours,
les échanges se feront donc suivant des règlements différents.
Pendant ces dix jours, le courrier d'Alsace-Lorraine vers la France doit, normalement, porter un timbre allemand à trois gros pour le port jusqu'à destination en France,
accompagné de la marque PD, en conformité avec la nouvelle convention, déjà appliquée par l'Allemagne. A l'entrée en France, cette marque est normalement rayée, la France n'appliquant
pas encore la convention de 1872, le timbre allemand est considéré comme nul sur le territoire français, et la lettre taxée à 25 centimes, suivant l'accord de 1871.
De nombreuses lettres sont, en fait, affranchies à l'ancien tarif à deux gros, mais curieusement accompagnées de la marque PD, laissant penser que les usagers et postiers allemands ont
pû avoir été mal informés de l'augmentation de tarif. Les lettres sont alors souvent signalées par le bureau de sortie allemand comme insuffisamment affranchies, mais l'administration allemande n'a,
à ce moment, plus la possibilité de récupérer l'insuffisance de taxe sur le destinataire.
La lettre ci-dessus, au premier échelon de poids de Mulhouse pour Moussey, datée du 24 Mai 1872, porte un affranchissement allemand à deux gros, qui est insuffisant pour la convention de 1872,
bien qu'il n'ait pas été signalé comme tel par le bureau d'échange allemand. Le bureau d'entrée en France, en l'occurence l'ambulant Belfort à Paris (timbre à date en rouge), raye la marque PD, et
applique la taxe française à 25 centimes, conformément à l'accord de 1871, puisque nous sommes encore, en France, sous le régime du double affranchissement. La lettre part en direction de Paris,
jusqu'à Chaumont, où un timbre à date de bureau de passe (978) est appliqué au verso, le lendemain, puis repart dans l'autre sens vers Épinal, et enfin Senones et Moussey, à la frontière alsacienne,
où elle est distribuée dans la journée du 26. Selon la nouvelle convention, elle aurait pu être taxée à 4 décimes, soit 6 décimes pour une lettre non affranchie, moins les 25 centimes
correspondant aux deux gros déjà appliqués, soient 35 centimes, arrondis au décime supérieur (article 8).
Entre le 15 et le 24 mai, le courrier de France vers l'Alsace-Lorraine a, normalement, été affranchi à 25 centimes jusqu'à la frontière allemande, et taxé à trois gros par les bureaux
d'entrée allemands (soit cinq gros pour une lettre non affranchie, moins deux gros correspondant aux 25 centimes déja appliqués).
On rencontre cependant des pli taxés, non pas à trois, mais à deux gros, les postiers allemands ayant omis d'appliquer la nouvelle convention. La lettre ci-dessus, au premier
échelon de poids de Paris pour Strasbourg, également datée du 24 Mai 1872, porte l'affranchissement français règlementaire en ce dernier jour d'application du double affranchissement.
Le lendemain, le bureau allemand à taxé à seulement deux gros, bien que la convention soit désormais entrée en vigueur dans les deux pays.
Dans les deux exemples précédents, on peut constater que si la France, pour un jour encore à l'ancien régime, a bien encaissé les affranchissements prévus, l'Allemagne, sensée appliquer les nouveaux tarifs
depuis déjà neuf ou dix jours, persistait néanmoins à ne percevoir que l'ancienne taxe.