1919/1923
La poste française à Constantinople

La France termine la Grande Guerre dans le camp des vainqueurs, et la Turquie dans celui des vaincus. Un Corps d'occupation français de Constantinople prend ses quartiers dans la capitale turque dès le mois de novembre 1918.

Première période : février 1919/mars 1921

Au début de 1919, la reprise du trafic postal international civil s'effectue par l'intermédiaire des postes militaires des puissances occupantes. La France rouvre deux de ses anciens bureaux, fermés au début de la guerre, Galata et Stamboul. Ceux-ci utilisent des timbres-poste français et des timbres à date Trésor & Postes, portant les numéros de secteur postal 506 et 506B (ou encore avec numéro échoppé). Le tarif international appliqué est celui de 1879, encore en vigueur : 25 centimes la lettre simple, 10 centimes la carte postale et 5 centimes l'imprimé du premier échelon.


Lettre de Constantinople (506) pour Toulouse - 10 novembre 1919 - 25 centimes


Carte postale de Constantinople (sans numéro) pour Troyes - 19 mai 1919 - 10 centimes


Imprimé de Constantinople/Galata (506) pour Mulhouse - 19 septembre 1919 - 5 centimes

Seconde période : avril/mai 1921

En novembre 1920, une Convention postale est signée à Madrid, qui introduit le franc-or comme monnaie de compte de l'Union, et qui fixe la taxe de la lettre à 50 centimes-or. Chaque pays a la faculté de déterminer, dans sa propre monnaie, une équivalence avec les taxes de l'Union postale. La France optant pour la parité, son nouveau tarif international, en vigueur le premier avril 1921, est de 50 centimes la lettre simple, 30 centimes la carte postale et 10 centimes l'imprimé du premier échelon. Si la faciale des timbres est exprimée en monnaie française, le public les paye, dans les bureaux français de Constantinople, en monnaie turque, au prix de 5 piastres pour la lettre, 3 piastres pour la carte postale et 1 piastre (ou 40 paras) pour l'imprimé du premier échelon.


LSE de Constantinople (sans numéro) pour Paris - 9 avril 1921 - 50 centimes


LSE de Constantinople (sans numéro) pour Thann - 29 avril 1921 - 50 centimes


LRE de Constantinople/Stamboul (506B) pour Paris - 26 mai 1921 - 1 franc


LRE de Constantinople/Galata (506) pour Paris - 26 mai 1921 - 1 franc

Troisième période : juin/juillet 1921

En avril 1921, la Turquie fixe, à son tour, l'équivalence de sa monnaie par rapport au franc-or : à partir du premier juin, 7 piastres et 20 paras font le tarif de la lettre dans l'Union, 4 piastres et 20 paras celui de la carte postale, et 1 piastre et 20 paras celui de l'imprimé du premier échelon. Cela induit, par conséquent, une différence notable avec les prix de vente des timbres-poste français à Constantinople. Le Directeur des Postes du Corps d'occupation, dans l'impossibilité de livrer une concurrence inoportune à la poste turque, et ne voulant pas vendre ses timbres-poste à un prix supérieur à la faciale indiquée, en attendant l'émission de timbres-poste surchargés en piastres, décide d'aligner le montant de ses affranchissements (75 centimes la lettre simple, 45 centimes la carte postale et 15 centimes l'imprimé du premier échelon) sur le tarif turc.


CPE de Constantinople (sans numéro) pour Saint-Omer - 30 juillet 1921 - 45 centimes


LSE de Constantinople/Stamboul (506B) pour Boston - 6 juin 1921 - 75 centimes


LSE de Constantinople/Stamboul (506B) pour Hambourg - 8 juillet 1921 - 75 centimes


LRE de Constantinople/Galata (506) pour Paris - 27 juin 1921 - 1,50 franc

Quatrième période : août/décembre 1921

Au mois d'août 1921 sont mis en service des timbres-poste français, dont la faciale porte le tarif français dans l'Union, et dont la surcharge indique le tarif turc correspondant, à payer par l'usager. Chaque timbre présente donc la particularité d'indiquer deux valeurs différentes en monnaie-papier, tout en valant le même montant en monnaie-or. Les surcharges sont réalisées à Paris.

Le tableau ci-dessous donne les équivalences entre les trois monnaies dans les trois tarifs de base de l'Union postale (imprimé, carte postale et lettre). Notons que les couleurs des timbres-poste pour imprimés et cartes postales ne répondent pas aux préconisations de l'Union postale ; une surcharge à 1 piastre 20 paras sera effectuée en mai 1922 sur des Semeuses vertes à 10 centimes, par contre les valeurs à 30 centimes/4 piastres 40 paras resteront orange, au lieu du rouge réglementaire.

Tarif U.P.U.
Timbre français
Taxe turque
en surcharge
Equivalent en centimes
de la taxe turque
10 centimes-or
Semeuse 10 c. rouge
1 piastre 20 paras
15 centimes
30 centimes-or
Semeuse 30 c. orange
4 piastres 20 paras
45 centimes
50 centimes-or
Semeuse 50 c. bleue
7 piastres 20 paras
75 centimes


LSE de Constantinople (sans numéro) pour Paris - 5 novembre 1921 - 7 piastres 20

Cinquième période : janvier 1922/juillet 1923

Le statut des bureaux français, jusqu'alors gérés par la poste militaire, est révisé en juin 1921, et la décision est prise de les transférer au département des P.T.T. à partir de janvier 1922. Les nouveaux timbres à date sont désormais libellés Postes Françaises, et ils portent le nom du bureau en toutes lettres. Une troisième succursale est ouverte à Péra au début de 1922.


CPE de Constantinople/Galata pour Villeneuve-St-Georges - 9 février 1923 - 4 piastres 20


LRE de Constantinople/Péra pour Vienne (Autriche) - 24 mai 1923 - 15 piastres

Avec ou sans surcharge ?

Le 5 décembre 1922, une lettre simple en port payé de Constantinople vers la France doit être affranchie à sept piastres et vingt paras, l'équivalent de soixante-quinze centimes français. Le droguiste Noureddin, de Stamboul, racle ses fonds de tiroir pour tenter d'en extraire dix timbres-poste à trente paras, qui font bien sept piastres et vingt paras. Làs, trois des vignettes sont antérieures à l'opération de surcharge de l'année précédente, et vendues à l'époque pour vingt paras, elles ne valent pas plus que les cinq centimes de leur faciale, au lieu des sept centimes et demie de la surcharge.

L'affranchissement ne couvre donc que la somme de six piastres et trente paras, soit seulement l'équivalent de soixante-sept centimes et demie. Il semble que personne ne s'en soit ému outre mesure ...

A l'usage, l'approvisionnement en vignettes des bureaux français de Constantinople s'avère très irrégulier. La décision est prise, en mars 1923, de surcharger localement trois valeurs sur le point de faire défaut : 1 piastre 20 pour les imprimés du premier échelon, 3 piastres 30 pour les échelons supplémentaires de la lettre, et 7 piastres 20 pour le premier échelon de la lettre. La poste militaire, sollicitée pour fournir les figurines à surcharger, peut livrer celles à 10 centimes, mais remplace les 25 et 50 centimes nécessaires par des 15 et 35 centimes, dont la valeur faciale ne correspond pas au tarif français dans l'Union.


Constantinople/Galata - non circulé - 29 mars 1923

Le traité de Lausanne, signé le 27 juillet 1923 entre la Turquie et les principaux vainqueurs du premier conflit mondial, met fin définitivement fin à l'état de guerre. L'article 113 de ce traité stipule que "Les Hautes parties contractantes déclarent accepter, chacune en ce qui la concerne, la suppression des bureaux de poste étrangers en Turquie." Les bureaux de poste français de Constantinople fermeront le 27 septembre 1923.


Un affranchissement français


LSE de Constantinople/Galata pour Paris - 30 décembre 1922 - 50 centimes

La lettre ci-dessus, affranchie au tarif international français de 50 centimes, et non au tarif international turc de 7 piastres 20 (75 centimes), illustre l'ambiguïté de la situation. Elle va à l'encontre des principes édictés initialement par le Directeur des Postes du Corps d'occupation, mais il n'est pas certain qu'elle aurait mérité d'être taxée, le tarif pour l'U.P.U. au départ d'un bureau français étant correct. L'affranchissement est ici semblable à celui des lettres de la période avril/mai 1921.

Les tarifs de l'Union postale

Depuis l'entrée de la France dans l'Union des Postes en 1876, le tarif des correspondances échangées entre les bureaux français au Levant et la métropole a été celui en vigueur dans l'Union. Pour ce qui concerne les bureaux de Constantinople après la guerre de 1914/1918, cette disposition a été conservée, et elle est rappelée à l'attention des postiers par une note parue dans le bulletin mensuel n°12 de 1920.


Les Anglais aussi ...

La Grande-Bretagne, autre force occupante à Constantinople, a également, dès février 1919, transporté du courrier civil, par l'intermédiaire du British Army Post Office. Celui-ci fut, l'année suivante, remplacé par le personnel civil du British Post Office. La poste anglaise, à l'instar de ses consœurs française et italienne, et pour les mêmes raisons, a émis des timbres surchargés en piastres et en paras, pour correspondre avec le tarif turc.


LRE de Constantinople/B.P.O. pour Budapest - 21 mars 1922 - 15 piastres

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