Les services automobiles postaux
dans le Puy-de-Dôme


      Jusqu'en 1914, le transport des dépêches postales, dans le Puy-de-Dôme, est confié à des entrepreneurs exécutant des marchés conclus avec l'Administration des postes, et utilisant des voitures hippomobiles. La marche du progrès va bientôt venir modifier les habitudes, et susciter quelques inquiétudes quant à l'avenir de ces petites entreprises. Certains conseillers généraux s'inquiètent de ce que la création d'un service d'autobus dans le département (voir plus bas) risque d'avoir pour effet de supprimer les courriers existants, et de faire cesser l'activité de nombreux entrepreneurs, tandis que d'autres se réjouissent de la desserte future des régions les plus éloignées par des moyens "légers et rapides." *
      Le premier conflit mondial met entre parenthèses les préoccupations des courriers auvergnats, mais dès la fin des hostilités, elles vont se manifester de manière encore plus aigüe, si l'on en croit le rapport adressé en 1922 au préfet du Puy-de-Dôme par le directeur départemental des postes : "... je n'ai jamais manqué, lorsque la différence de prix n'était pas excessive, de substituer les courriers en automobile aux courriers en voiture, afin que l'acheminement des correspondances soit effectué avec la plus grande célérité possible."

      Dès le début de l'année 1919, en effet, des services automobiles postaux sont exploités par l'Administration **. Les deux premières lignes sont ouvertes entre Riom et Saint-Eloy, le 23 janvier 1919, avec deux Delahaye de dix places, remplacées en juin par des Berliet de 21 places, puis entre Saint-Eloy et Auzances, le 23 mai 1919, avec des voitures Delaunay-Belleville. Les extrémités de chaque ligne aboutissent à une gare, mettant en communication des voies ferroviaires auparavant sans relations entre elles, et permettant une transmission rapide des correspondances postales. Le rapport, qui exprime la satisfaction de l'Administration quant au fonctionnement du service, annonce la création imminente d'une troisième ligne entre Pontgibaud et Auzances, sur un schéma identique (cette ligne a effectivement été mise en service le 5 juillet), et prévoit des relations du même type entre Issoire, Besse et le Chambon.

      Un rapport rédigé l'année suivante rend compte de la modification de l'itinéraire des lignes existantes, afin d'éviter de concurrencer le service subventionné des autobus départementaux, nouvellement inauguré. Riom à Saint-Eloy devient ainsi Riom à Montaigut-en-Combrailles, Saint-Eloy à Auzances devient Gouttières à Saint-Maurice-de-Pionsat, et Pontgibaud à Auzances devient Pontgibaud à Létrade. L'Administration confirme son désir de doter les régions encore isolées d'un moyen de transport rapide, et dans ce but, ouvre quatre nouvelles lignes entre novembre 1919 et mars 1920, Saint-Gervais à Bourg-Lastic, Riom à Vichy, Saint-Eloy à Auzances et Saint-Gervais à Auzances. Cependant, le rapport s'inquiète du rendement très médiocre de l'exploitation de ces lignes, à l'exception de Riom à Vichy, en particulier à cause du prix de l'essence et des pneumatiques.


Le courrier passe toujours ...

      Lors de sa séance du 24 septembre 1921, le Conseil général déplore la suppression, sans remplacement, de la desserte des villages situés entre Lapeyrouse et Auzances, ainsi que l'annonce, par l'Administration des postes, de la fermeture de la ligne de Riom à Vichy, fixée pour la fin de l'année. Considérant les grands services apportés aux populations, pour le transport du courrier et des voyageurs, le Département décide d'allouer une subvention aux P. & T., afin de maintenir ce service jusqu'à la construction d'une ligne de chemin de fer. Cette situation pour le moins paradoxale, qui voit un département soutenir financièrement un service d'Etat, illustre les difficultés des entreprises de transport automobile de poste, de messagerie ou de passagers dans les années d'après-guerre : sans soutien financier extérieur, elles semblent vouées à l'échec à plus ou moins long terme.
      Le Conseil général prend alors la décision d'accorder une subvention à toute ligne d'autobus remplaçant un courrier automobile postal. La Direction des postes souhaite cependant continuer à faire jouer la concurrence en ce qui concerne le prix à payer pour le transport des dépêches sur les lignes subventionnées uniquement par le Département (les autobus départementaux l'étant pour moitié par l'Etat). La concession, et la subvention, ne devront être attribuées qu'au candidat "le moins exigeant, tout en présentant les garanties matérielles et morales nécessaires." En 1922, la dernière ligne automobile postale exploitée par l'Administration est fermée (Riom à Vichy, 15 novembre 1922), et remplacée par un service subventionné par le Département. De nombreux autres services automobiles postaux subventionnés sont mis en service à partir de cette année-là, se substituant à des courriers hippomobiles (ou encore à pied ou à bicyclette) "qu'ils remplacent très avantageusement". Les concessionnaires n'ont pas d'exigences financières supérieures à celles des entrepreneurs, "ce qui a permis d'accorder aux populations desservies des avantages postaux plus étendus : avance dans la distribution, expédition du soir retardée." En 1923, vingt bureaux et trente-quatre communes rurales sont desservis par ces services postaux départementaux. En août 1924, les bureaux de Clermont-R.P. et Clermont-Central sont reliés à la gare par un service automobile, avant que Clermont-Préfecture, Chamalières et Montferrand ne soient desservis par ce même moyen au début de 1926. En 1929, le directeur des postes peut annoncer au préfet que les lettres postées à Paris jusqu'à vingt heures trente sont distribuées le lendemain matin "dans la presque totalité des localités du Puy-de-Dôme".

* Conseil général du Puy-de-Dôme, rapports du Préfet et procès-verbaux des délibérations, années 1913 et ss., gallica.bnf.fr
** Bull. 244 n°13771, 1919


La Société des Autobus
départementaux du Puy-de-Dôme


      En 1912, le Conseil général du Puy-de-Dôme met à l'étude l'établissement d'un réseau de services d'automobiles subventionnés par le Département *. Ce service se propose, dans le principe, de relier les chefs-lieux de canton non desservis par le chemin de fer à la gare la plus voisine, en transportant voyageurs et marchandises dans des conditions lui permettant d'obtenir les subventions de l'Etat **. Le transport des dépêches postales doit également être assuré, le cahier des charges (Titre V, art. 19, Service des postes) spécifiant de surcroît que "l'Administration des postes aura le droit de fixer gratuitement, à chaque voiture, une boîte aux lettres dont elle fera opérer la pose et la levée par ses agents." Le financement de la part départementale de la subvention pourrait être obtenue par une imposition minime. Mais la guerre suspend l'exécution d'un projet déjà en très bonne voie.
      Lors de sa séance du 1er mai 1919, le Conseil général réunit la Commission spéciale du service des autobus, dont le rôle est de statuer sur l'exécution de la convention conclue en mai 1914 avec l'administrateur de la Société anonyme des Autobus départementaux, concernant l'exploitation du réseau de service public automobile projeté avant-guerre. Un projet d'avenant financier est examiné, présenté par l'exploitant, tenant compte d'une loi nouvelle plus avantageuse pour lui et votée depuis peu ***. L'avenant est accompagné d'un cahier des charges peu modifié par rapport à l'original de 1912. A l'origine, ce réseau, couvrant au total environ 574 kilomètres, doit comporter une vingtaine de lignes, rayonnant autour d'une douzaine de villes et bourgs du département. Il est prévu que la subvention soit dégressive en proportion des recettes, et il est stipulé que l'entrepreneur doit effectuer deux voyages par jour sur chaque ligne. Le prix du billet voyageur est fixé à 17,5 centimes par kilomètre, celui des autobus postaux (voir plus haut) étant alors de 20 centimes. Une subvention annuelle de 1600 francs par kilomètre de ligne (dont 720 francs de subvention de l'Etat) est finalement votée à l'unanimité, bien qu'avec quelques réserves, certains conseillers estimant que la réfection des routes aurait dû précéder l'ouverture du réseau.

      Lors d'une séance tenue l'année suivante, en mai 1920, la Commission spéciale du service des autobus examine les premiers résultats d'exploitation du réseau. Il ressort de l'étude des recettes kilométriques que celles-ci, portant en grande partie sur la saison d'hiver, et bien qu'inférieures au seuil moyen de 2500 francs à partir duquel la subvention départementale doit être réduite, sont satisfaisantes. La Commission prend note des difficultés rencontrées en hiver dans les secteurs de montagne, les intempéries ayant causé quelques interruptions de service. Le rapport annuel adressé au préfet par le directeur des postes exprime sa satisfaction quant à l'accélération du transport des dépêches. Il demande que les autobus s'arrêtent aussi près que possible des bureaux de poste, afin de réduire au maximum les transbordements. Il demande également à ce que le départ des lignes soit toujours fixé dans les gares (comme prévu à l'origine), et que "les conducteurs soient astreints à échanger directement les dépêches avec les courriers-convoyeurs et à leur présenter la boîte aux lettres mobile de la voiture, comme il est fait par les courriers d'entreprise. Ces derniers lèvent les boîtes aux lettres situées sur leur parcours, les autobus ne le font pas ; il y a là une lacune à combler." Il souhaite enfin que le service des colis postaux soit amélioré, avec enlèvement et délivrance dans les bureaux de poste et dans les gares.


Exploitation du réseau au deuxième semestre 1921

      Une nouvelle convention entre en vigueur le 23 août 1921, une autre suivra en 1928. Certains itinéraires sont remaniés, de nouvelles lignes ouvertes. Le plafond à partir duquel la subvention devient dégressive, réévalué à 2850 francs annuels par kilomètre, est dépassé dès le premier semestre d'exploitation. En 1922, le Conseil général émet le vœu qu'il soit procédé à l'essai, sur les tronçon enneigés, de traineaux automobiles, désignés comme type « Kegrene ÃƒÂ‚» (sic). En 1924, le rapport du directeur des postes fait état de l'organisation ponctuelle, pas la Société des Autobus, de services de traîneaux, en particulier dans la région de Saint-Germain-l'Herm, sans plus de précisions quant au système utilisé, automobile ou hippomobile. Un rapport présenté en 1931 demande que "des chasse-neige automobiles soient substitués aux anciens traîneaux triangulaires à chevaux."


Le système Kegresse monté sur une automobile Citroën

      Durant les années suivantes, les rapports successifs du directeur des postes expriment sa grande satisfaction, autant envers la Société des Autobus subventionnée par l'Etat que pour les entreprises subventionnées par le Département. Le service s'exécute dans de très bonnes conditions, avec une régularité quasiment parfaite, sans spoliation ni disparition de dépêches, et dans le respect des clauses postales stipulées par les cahiers des charges. Ainsi qu'on peut le lire dans un rapport daté de 1930, "l'utilisation de plus en plus étendue des services automobiles pour le transport des dépêches postales à destination de bureaux non desservis directement par les voies ferrées permet d'avancer la distribution des correspondances dans un grand nombre de communes." L'étape suivante sera la mise en service des circuits de la poste automobile rurale.

* Conseil général du Puy-de-Dôme, rapports du Préfet et procès-verbaux des délibérations, années 1912 et ss., gallica.bnf.fr
** Loi de finances du 26 décembre 1908, article 65.
*** Bull. 240 n°13523 article 12


La Poste Automobile Rurale
dans le Puy-de-Dôme


      En 1929, le Conseil général du Puy-de-Dôme se réjouit de l'amélioration de la distribution postale dans les communes rurales du département, depuis l'ouverture, dix ans auparavant, du réseau de la Société des Autobus départementaux *. Il se réjouit également de la création prochaine, par l'Administration des P. & T., de deux circuits de poste automobile rurale, se disant convaincu de la force du lien existant entre le développement du réseau automobile et l'amélioration du service postal. Toutefois, bien qu'ils déclarent ne voir que des avantages à l'ouverture de tels circuits, les conseillers généraux demandent à ce qu'ils ne concurrencent pas les services d'autobus déjà subventionnés par le Département. Une règle est clairement énoncée, qui veut que les circuits de la poste automobile rurale ne seront pas subventionnés lorsqu'ils concurrencent l'autobus, de même que l'autobus ne l'est pas lorsqu'il concurrence le chemin de fer.

      Le 16 mars 1930, à l'exemple de ce qui s'est fait dans plusieurs autres départements depuis trois ans, un circuit de poste automobile rurale entre en activité autour de la commune d'Aigueperse. Il s'agit, ainsi que l'indique l'Administration, d'améliorer le service postal dans les communes dépourvues à la fois de bureau de poste et de moyen régulier de transport. Le conducteur d'un véhicule automobile est chargé d'effectuer, deux fois par jour, et en changeant de sens d'un jour sur l'autre, la tournée des villages isolés, pour délivrer et ramasser le courrier et les colis postaux, et transporter voyageurs et messagerie, ainsi que diverses commissions à la demande les villageois. Dans certains des villages-étape du circuit, un correspondant postal est installé, en général un commerçant, proposant au public un service de poste (courrier, recommandés, mandats) ou de messagerie dans l'heure précédant le passage de la voiture. Dans toutes les communes, un distributeur communal est chargé de distribuer le courrier. Le circuit est subventionné par les communes et par le Département. Certains conseillers généraux s'étant inquiétés du sort des facteurs ruraux, promis à l'inactivité, il leur est assuré qu'aucun préposé ne devrait perdre son emploi. On relève toutefois, dans l'actif des bilans financiers annuels, que le poste le plus important est celui de la "Suppression facteurs", très loin devant ceux des "Recettes commerciales" et "Suppression courriers".


L'autobus Citrœn du circuit de la poste automobile rurale d'Aigueperse.

      Au cours des deux années suivantes s'ouvrent trois autres circuits, autour de Combronde, Riom et Randan, et bien longtemps après, en 1961, un ultime circuit est organisé autour de Saint-Pardoux. Tous ces circuits desservent des petites communes situées exclusivement dans le nord du département. En 1931, l'Administration des P. & T. envisage la création d'un circuit partant de la gare de Vic-le-Comte, et desservant les communes de Vic, Laps, Busséol, Saint-Georges-ès-Allier, La Roche-Noire et Mirefleur, mais ce projet n'aboutit pas. Le manque de rentabilité des circuits de poste automobile rurale en service stoppe l'ouverture de nouvelles lignes. Le rapport du directeur des P. & T. du Puy-de-Dôme, en 1932, indique une recette inférieure à 30 centimes par kilomètre pour trois des circuits sur quatre, alors que le seuil de rentabilité serait de 55 centimes (celui de Riom atteint 65 centimes). La conclusion du rapport de 1934 ne laisse pas d'équivoque : malgré les subventions, "[l']Administration [...] travaille à perte, [...] on ne saurait entrevoir la création de nouveaux circuits de poste automobile rurale dans le Puy-de-Dôme."

      Les correspondants postaux sont dotés de timbres à date et de griffes linéaires, sur lesquelles on retrouve les coordonnées du bureau d'attache, ainsi que le numéro du correspondant dans le circuit : sur le timbre du correspondant de Sardon, première station postale du circuit d'Aigueperse, figure ainsi l'intitulé AIGUEPERSE (PUY-DE-DOME) CP N ÃƒÂ‚° 1. On ne trouve que deux types de timbres à date utilisés dans le département du Puy-de-Dôme, les types II et III de la nomenclature ** : sur le type II, le numéro du correspondant figure dans le bas du timbre à date ; sur le type III, il y est remplacé par le nom du département. Ces timbres ont été retirés du service vers la fin de 1967, avant que certains de ces correspondants postaux ne soient transformés en recettes auxiliaires.

* Conseil général du Puy-de-Dôme, rapports du Préfet et procès-verbaux des délibérations, années 1929 et ss., gallica.bnf.fr
** La poste automobile rurale en France (1926/1971) - Alain Floc'h - Feuilles Marcophiles sup. 329.


Aigueperse


      Lors de sa séance du 1er mai 1930, le Conseil général annonce la mise en service du circuit d'Aigueperse à partir du 16 mars 1930. Il dessert toutes les communes du canton, dont huit possèdent un correspondant postal, à Sardon, Thuret, Bussières-et-Pruns, Montpensier, Saint-Genès-du-Retz, Vensat, Saint-Agoulin et Chaptuzat. Initialement, le circuit ne desservait pas Effiat, placé sur une ligne des autobus départementaux, mais la localité y sera rapidement intégrée après la fermeture de cette ligne. Les timbres à date sont tous au type II.


Correspondant postal n°1 - Sardon
Timbre à date type II - 20 octobre 1962


Correspondant postal n°2 - Thuret
Timbre à date type II - 4 février 1932


Correspondant postal n°5 - Saint-Genès-du-Retz
Timbre à date type II - 20 octobre 1962


Correspondant postal n°6 - Vensat
Timbre à date type II - 14 mai 1940


Correspondant postal n°7 - Saint-Agoulin
Timbre à date type II - 14 mai 1942


Combronde


     

      Le circuit de Combronde, inauguré le 10 avril 1931, dessert, dans un premier temps, cinq correspondants postaux, situés à Montcel, Marcillat, Saint-Hilaire-la-Croix, Champs et Joserand. Il dessert également les communes de Cellule, Le Cheix-sur-Morge, Aubiat, Artonne, Saint-Myons (dont le correspondant postal reçoit son courrier par la voiture du circuit de Riom), Saint-Pardoux, Pouzol et Blot-l'Eglise. Les timbres à date sont, initialement, tous au type II.

      Deux correspondants supplémentaires, portant les n ÃƒÂ‚° 6 et n ÃƒÂ‚° 7, sont créés à l'occasion du renouvellement du marché le 10 avril 1934, à Saint-Gal-sur-Sioule et à Saint-Quintin-sur-Sioule, avec des timbres à date au type III. Un arrêt de la voitu