Le service supplémentaire des bureaux
de quartier de Paris voisins des gares


Les dateurs à exposant - 1869/1872

          Dès les débuts de l'ouverture du réseau ferroviaire français au trafic postal, des levées supplémentaires non surtaxées sont établies, à Paris, dans les bureaux de poste de quartiers proches des gares. Les premières correspondances directes de ces bureaux pour les lignes de chemin de fer desservant la province et l’étranger sont pratiquées à partir de 1850. Elles ne concernent alors que les lettres affranchies en timbres-poste.

          Diverses minutes de la Division de Paris, datées de mai 1850, concernent l'établissement d'un service supplémentaire aux bureaux annexes DS1 de la rue du Faubourg-Saint-Martin pour la ligne de Strasbourg (gare de l'Est), DS2 de la rue Lafayette pour la ligne du Nord (gare du Nord), et HS1 de la Salpêtrière pour la ligne du Centre (gare d'Orléans). L'année suivante, les bureaux d’arrondissement B du boulevard Beaumarchais pour la ligne de Lyon (gare du PLM), E de la rue de Sèze pour la ligne du Havre (gare Saint-Lazare), et annexe FS1 de la Petite-Rue-du-Bac pour la ligne de l'Ouest (gare Montparnasse) sont à leur tour concernés. S'y ajouteront en 1855 les bureaux annexes DS3 de la gare du Nord et KS2 de la rue de Londres (gare Saint-Lazare). La même année, le bureau annexe HS4 de la gare d'Orléans remplace le bureau HS1 pour le service du Centre, et en 1856, le nouveau bureau annexe BS2 du boulevard Mazas est associé au service pour la gare du PLM. Ils traitent, en dernière limite d'heure, les plis affranchis destinés aux localités desservies par les bureaux ambulants partant de leur gare, les dépêches étant livrées dix minutes avant le départ du train. Cette mesure, qui permet au public de profiter des départs après l'heure de la levée ordinaire, a été communiquée par un Avis au public daté du 1er mai 1851, et rappelée aux agents dans un Ordre de service du 24 septembre 1853 (P. Lux, La Poste ferroviaire de ses débuts à 1870, Acad. Phil., 1992, p.38).


Almanach impérial pour 1856


Paris, rue du Fbg-St-Martin pour Le Havre, 30 septembre 1859, timbrage de la septième levée.
Au dos, ambulant de nuit PARIS AU HAVRE 30 SEPT. 59, arrivée le lendemain.

          Dès 1856, l'affranchissement préalable n'est plus requis (Bulletin mensuel des postes n° 9, mai 1856). Si dans un premier temps, une levée supplémentaire unique (dénommée exceptionnelle dans les almanachs) se pratique à sept heures du soir, les horaires des levées s'effectuent ensuite en fonction des départs des trains. La lettre ci-dessus a été levée après la sixième levée du 30 septembre 1859 par le bureau DS1 desservant la gare de l'Est. N'étant pas destinée au bureau ambulant partant de cette gare, elle est marquée du petit timbre circulaire du bureau supplémentaire, qui la transmet à son bureau d'attache. La lettre est alors timbrée et oblitérée par le bureau principal D de la rue Sainte-Cécile. Elle est ensuite transmise au bureau central. Le départ de l'ambulant pour Le Havre étant très tardif (10h30 du soir), elle peut lui être remise dans la soirée, pour distribution le lendemain.


Didot-Bottin pour 1857

          Le service supplémentaire du bureau DS2 cesse en juillet 1862, à la suite d'un changement d'adresse pour la rue de Cléry. On remarque que le bureau B dessert deux gares, PLM et Orléans. On peut aussi noter que le bureau M (Corps Législatif) assure un service supplémentaire pour toutes les gares durant la tenue des sessions de l'Assemblée, mais que ce n'est pas un bureau proche d'une gare. Sur le fonctionnement détaillé de ces services supplémentaires durant la période des oblitérations par losanges (1852/1863), on peut se reporter à l'ouvrage de J.-C. Delwaulle publié par l'Académie de Philatélie.

coll. BC92

Paris rue Lafayette pour Boulogne, 22 octobre 1861, timbrage de la septième levée.
Au dos, ambulant de nuit Paris à Quiévrain du 22 octobre, distribution le lendemain.

Etoile chiffrée et dateur avec section de levée en exposant

          Aux termes d'une décision de juin 1863, les bureaux de quartier de Paris sont numérotés par ordre d'importance, de 1 à 39. De ce fait, les huit bureaux de quartier concernés par les levées supplémentaires portent désormais les numéros 3 (rue de Sèze, puis place de la Madeleine), 10 (Petite-Rue-du-Bac, puis rue du Cherche-Midi), 12 (boulevard Beaumarchais), 14 (rue du Faubourg Saint-Martin, puis rue de Strasbourg), 18 (rue de Londres, puis rue d'Amsterdam), 26 (gare du Nord), 30 (boulevard Mazas) et 33 (gare d'Orléans). On compte entre vingt-quatre (en 1864) et une trentaine (en 1876) de levées supplémentaires pour l'ensemble de ces bureaux, échelonnées entre quinze heures quinze et vingt-deux heures quarante en fonction des horaires des trains.

          Il ne semble pas que les bureaux 3, 10, 14, 18, 26 et 33 aient utilisé un marquage particulier pour ce service pendant la période de l'étoile chiffrée. On peut cependant distinguer les lettres ayant profité d'une levée supplémentaire par le fait que bien qu'elles portent un dateur de la septième levée ordinaire effectuée après le départ des bureaux ambulants, elles sont revêtues au dos du dateur d'un de ces bureaux parti d'une gare parisienne voisine du bureau d'origine avant l'heure de la septième levée ordinaire du jour. Elles ne sont pas timbrées "APRÈS LE DÉPART" et elles ont été distribuées dans la journée du lendemain.

coll. BC92

Paris, gare d'Orléans, 27 juillet 1865, timbrage de la septième levée.
Au dos, ambulant de nuit PARIS A BORDEAUX 27 JUIL. 65, arrivée le 28.

coll. BC92

Paris, gare du Nord, 31 mars 1876, timbrage de la septième levée.
Au dos, ambulant de nuit PARIS A LILLE 31 MARS 76.
Des dateurs spéciaux apparaîssent dans ce bureau en juillet 1876

          ll existe par contre des lettres émanant des bureaux 12 et 30, dont le timbre à date de la sixième levée porte, à droite de l'indication de levée, un petit chiffre 1, 2 ou 3 en exposant. Ces timbres à date sont référencés sous le numéro 1532 dans la nomenclature Rochette. Il est très probable qu'ils correspondent à un indicatif de levée supplémentaire.

Bureau 12, boulevard Beaumarchais

          On rencontre, pour ce bureau, des dateurs avec numéro de section de levée en exposant frappés entre le mois de novembre 1869 et le mois de septembre 1872. La section avec l'exposant 1 est très peu courante, elle n'est pas côtée par Rochette (Paris, bureaux de quartier, étoiles avec chiffres), jamais vue par Delwaulle (Bureaux de quartier de Paris), ni par Chabrol (La section de levée, étude non publiée), Nous avons eu la chance d'en trouver une, incomplète mais bien lisible, avec abréviation Bt., datée du 30 septembre 1872 à destination du Puy-de-Dôme (gare du PLM). C'est, à notre connaissance, la seule signalée à l'heure actuelle.

          Les dateurs avec section de levée en exposant 2 et 3 se rencontrent entre le 2 novembre 1869 et le 16 novembre 1871 (dates constatées, pouvant être améliorées), avec les abréviations Bt. et Bd. indifféremment. Les almanachs du Commerce Didot-Bottin, pour les années 1870 (rédigé à la fin de 1869) à 1873, indiquent trois horaires de levées supplémentaires pour les départs des gares du PLM et d'Orléans :
         - 6 heures 15 du soir pour Marseille (PLM)
         - 6 heures 45 du soir pour Limoges, Périgueux, Toulouse et Cette (Orléans)
         - 7 heures du soir pour Besançon, Lyon, Clermont-Ferrand, Saint-Etienne (PLM), Nantes, Vierzon, La Rochelle, Quimper, Bordeaux et Pyrénées (Orléans)

          Bien que ce ne soit pas toujours le cas, il est très souvent possible d'associer un numéro d'exposant avec une heure de départ, confirmée par un dateur d'ambulant au dos. Sur les lettres ci-dessus, par exemple, la destination de Montpellier, voie de Cette, correspond à la deuxième levée supplémentaire de six heures quarante-cinq du soir, et la destination de Vence par l'ambulant de Lyon à la troisième levée supplémentaire de sept heures du soir. Mais il est bien sûr possible de rencontrer d'autres cas de figure, dans lesquel la concordance est plus discutable, voire inexistante.

          La période d'utilisation constatée des dateurs avec fraction de levée en exposant par le bureau du boulevard Beaumarchais est assez restreinte, environ deux ans. Il est très curieux de relever, au cours des années suivantes, l'existence de lettres pour le sud de la France portant un dateur ordinaire de la septième levée, un dateur d'ambulant de la nuit suivante, et une arrivée le lendemain matin, éléments caractéristique des levées supplémentaires. Pour quelle raison ce bureau n'a t'il pas continué à utiliser ses dateurs à exposant  ? Nous ne le savons pas.


Section de levée sans concordance
avec le départ de l'ambulant suivant

          Il a pu se présenter des cas dans lesquels la destination des lettres portant un numéro de section de levée ne correspond pas avec la destination du bureau ambulant quittant la gare voisine immédiatement après l'heure de cette section de levée.

          Ainsi cette lettre pour Romanèche (par la ligne du PLM), jetée à la boîte au bureau du boulevard Beaumarchais le 3 novembre 1869 après la sixième levée ordinaire, a été timbrée pour la seconde levée supplémentaire. Cette seconde levée correspond au départ des ambulants pour Limoges, Périgueux, Toulouse et Cette (gare d'Orléans). Il est probable, voire certain, que notre lettre a été mise de côté, avant d'être jointe au produit de la troisième levée supplémentaire destinée au bureau ambulant de Lyon. En témoignent les timbres apposés au dos, celui de l'ambulant en question ayant circulé la nuit suivante, ainsi que celui du bureau de destination, qui a délivré la lettre lors de la première distribution du lendemain.

Bureau 30, boulevard Mazas

          Le bureau du boulevard Mazas a utilisé, entre le 10 février 1869 et le 10 août 1870 (dates constatées, pouvant être améliorées), des dateurs avec section de levée 1, 2 et 3, (abréviation Bt.) On connait également des dateurs avec section de levée 1 portant l'abréviation Bd. en février-mars 1870.

          Les almanachs du Commerce Didot-Bottin, pour les années 1870 (rédigé à la fin de 1869) à 1873, indiquent deux, puis trois horaires de levées supplémentaires pour les départs de la gare du PLM :
         - 6 heures 45 du soir pour Marseille
         - 7 heures 30 du soir pour Besançon et Lyon d'une part, et Clermont-Ferrand et Saint-Etienne d'autre part (en 1870)
         - 8 heures du soir pour Clermont-Ferrand et Saint-Etienne (à partir de 1871)

          Le timbre à date avec la section de levée 1 montré ci-dessus correspond bien au départ du train de Marseille.

          La période d'utilisation constatée pour les dateurs à exposant du bureau du boulevard Mazas est encore plus brève qu'au bureau 12, à peine dix-huit mois. On y relève également, après 1870, l'existence de lettres partant de la gare du P.L.M. portant un dateur ordinaire de la septième levée, un dateur d'ambulant de la nuit suivante, et une marque d'arrivée du lendemain matin.

Bureau de la rue de Bercy

          Ce bureau, proche des gares d'Orléans et du P.L.M., ne deviendra formellement un bureau de quartier de Paris qu'en juillet 1881 (bureau 56). L'oblitération des affranchissements s'effectue avec le losange à gros chiffres 445 du type de ceux affectés aux bureaux de province. Bercy est le seul bureau du nouveau Paris (communes annexées à Paris en 1860) à avoir proposé, à cette époque, une levée supplémentaire. On ne connait qu'un seul type de dateur avec section de levée en exposant 1 entre le 30 octobre 1871 et le 15 juillet 1872 (dates constatées, pouvant être améliorées). A partir de 1871, une levée supplémentaire unique a lieu à cinq heures quarante-cinq du soir pour tous les bureaux ambulants partant des gares d'Orléans et du PLM.

          On trouve également dans ce bureau, après la dernière date connue pour un dateur à exposant, l'utilisation de dateurs ordinaires de la septième levée sur des lettres en départ supplémentaire par les ambulants du soir au départ de la gare du P.L.M.

Observations

          On peut noter, sans que cela permette d'en tirer beaucoup de conclusions, que les timbres à date portant une section de levée avec exposant ne sont connus que sur une durée et pour une localisation assez restreintes, par rapport à ce qui se pratique plus généralement durant la période de l'oblitération par étoile (1863/1876). En effet, alors que les levées supplémentaires non surtaxées existent dans les huit bureaux de quartier desservant les six principales gares parisiennes, seulement deux de ces bureaux utilisent ce genre de dateur (trois en comptant Bercy), et pour les seules gares du PLM et d'Orléans. D'autre part, l'utilisation de ces timbres avec chiffre en exposant semble se terminer en 1872, sans que le service cesse pour autant. Le changement de mode d'oblitération qui s'opérera quatre ans plus tard verra la mise en service, dans tous les bureaux de Paris proches des gares, de dateurs avec des indications de section de levée de types différents.


Remerciements

Cette page doit beaucoup au regretté Bernard Platzer, pour la communication de ses archives, et pour l'ensemble de ses judicieuses observations et corrections. Merci aussi à Laurent Bonnefoy, qui m'a aimablement communiqué une copie de l'étude non publiée d'André Chabrol.

Bibliographie

Almanach impérial, Années 1855 à 1870, Paris, Berger-Levrault et fils.
Almanach républicain, Années 1871 à 1898, Paris, Berger-Levrault et fils.
Almanach du Commerce et de l'Industrie Didot-Bottin, Années 1857 à 1901, Paris.
Rochette A., Paris, bureaux de quartier, étoiles avec chiffres, Paris, à compte d’auteur, 1964
Delwaulle J.-C., Les bureaux de quartier de Paris, Période de l’étoile, Paris, Académie de philatélie, 1999.



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